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REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
5 avril 2011

La Nuit américaine de François Truffaut - 1973

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Un de mes Truffaut préférés, aucun doute là-dessus, même si je vois tout à fait en quoi le gars s'embourgeoise méchamment là-dedans, même si je comprends la colère de Godard à sa vision de ce film, même si on est très très loin du Truffaut en liberté des débuts. Il y a dans La Nuit américaine un charme inouï, une aura magique qui ramène au cinéma d'autrefois, un cinéma disparu et passionné. C'est le récit d'un tournage (tournage d'un film qui, d'ailleurs, n'a pas l'air fameux), avec tout ce que ça comporte d'aventures, de renoncements, de joies, de petits drames, condensé en deux petites heures. Truffaut montre tous ces gens qui font un film, de la vedette américaine forcément border-line à l'accessoiriste futé, de la scripte concentrée au cascadeur don-juan, du producteur sur les nerfs à la stagiaire allumeuse. Tout un petit monde qui s'agite pour rendre concrète la vision du réalisateur, Ferrant, joué par la truffe himself. Avec cette tranche de vie douce-amère, Truffaut pointe la somme de renoncement et de trivialité qu'il faut affronter pour parvenir au bout d'un projet ; mais il montre surtout, presque par la bande, la magie éternelle d'un acteur qui trouve le bon geste, d'une lumière juste, d'une ligne de dialogue qui exprime ce qu'on cherchait depuis longtemps.

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Il y a même un petit côté documentaire dans cette façon de nous montrer les 1001 astuces du cinéma en train de se faire : comment faire boire un chaton au moment où on le souhaite ? Comment cadrer une conversation à travers une fenêtre ? Comment faire son choix entre deux accessoires possibles ? Comment jongler avec le calendrier de production, le budget, etc ? Quelques bons plans que Truffaut nous file en loucedé, on en prend note pour quand on fera son premier film. Pour le reste, on est à la fois dans la romance bon-enfant (surtout grâce au personnage d'Alphonse (Léaud, tiens, même prénom que le fils de Doinel, mm mmm...) qui va de femme en femme en y croyant dur comme fer) et la comédie pure (Menez est très drôle, et les petits gags fonctionnent vraiment bien). Avec toujours ce ton insaisissable de mélancolie, de gravité cachée, qui illumine les grands films de la truffe : il suffit d'une ligne de violons, d'un petit regard, d'une tirade particulièrement bien écrite (le monologue sur les films et les trains, c'est là-dedans) pour que l'émotion vous étreigne sans qu'on l'aie vue venir. Toujours profondément cinéphile, le cinéaste nous gratifie d'une somme d'anecdotes qu'on devine tirées de ses lectures de livres de cinéma, et accumule les clins d'oeil à Hitchcock, à Griffith ou à Welles. Derrière le grand chambardement du tournage, il y a l'enfant cinéphile qui bouge encore, représenté par un rêve lancinant et sans cesse retardé qui montre le Truffaut enfant voler des photos de Citizen Kane dans un cinéma. Très joli autoportrait qui montre un être entièrement façonné par le cinoche, qui a fini par trouver celui-ci plus intéressant que la vie elle-même, et qui s'est enfermé dans cette existence fictive (le petit détail de la surdité de Ferrant est particulièrement bien trouvé pour exprimer sa coupure avec le vrai monde) : au vu de la beauté sidérante de ce qu'on voit à l'écran, on le comprend ; La Nuit américaine, c'est la preuve que le cinéma est plus beau que la vie, même si celle-ci finit par le rattraper ; c'est la preuve de la séparation entre lui et elle, en tout cas, le film mettant très souvent en opposition la "vulgarité" du tournage et la magie de ce qui est filmé.

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Quant à la mise en scène, elle est parfaite : découpage impeccable des séquences, nerveux, dynamique, rendant parfaitement compte de l'effervescence concentrée d'un tournage ; grandioses travellings classiques à la grue, rendus d'autant plus beaux qu'on a droit aux commentaires de Ferrant sur ceux-ci, en direct (la première séquence, avec tous ces figurants qui recréent un quartier parisien, pour finir sur une gifle en gros plan, est hitchcockienne à mort et truffaldienne à mort) ; savants arrêts de la trame, qui se concentrent soudain sur un détail pour mieux ensuite pratiquer l'ellipse en virtuose ; et très belles scènes académiques pour montrer la poésie du cinéma et du film en train de se faire. Il y a ces plans presque volés qui montrent là un sourire illuminé de Léaud, ici un geste de la main de Jacqueline Bisset (belle femme, diable), ici une petite tension entre deux acteurs, pour couronner le tout : c'est splendide, et on est souvent très ému moins à cause de ce qui est raconté que par la façon de montrer les choses, discrète, modeste, amoureuse.

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Avec un peu de provocation, et au bout de cette odyssée truffaldienne, je serais tenté de classer ainsi mes films préférés du maître : 1/ La Chambre verte ; 2/ La Nuit américaine ; 3/ L'Amour en Fuite ; 4/ L'Argent de Poche ; 5/ La Sirène du Mississippi. Je sais, c'est discutable. Je vous écoute.

Tout Truffaut : clique et profite

Commentaires
T
Ce sommet d'égotisme est mon Truffaut préféré.
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M
Bah... un dialogue d'actrice recraché par une autre actrice qui se la joue. Il y en a 2 ou 3 autres comme ça, ailleurs dans le film.
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G
Vous parlez de la scène où elle allume Pattinson à l'arrière de la Limousine ? Pas bête, oui, j'y avais pas pensé. Mais si c'est conscient... qu'est-ce que ça peut vouloir dire ?
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P
Dans Maps to the stars, Cronenberg et le scénariste Bruce Wagner font dire à Julianne Moore un dialogue à la Bardot du Mépris. <br /> <br /> Inconsciemment ?
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S
Mouais timide... Les correspondances entre les deux zouzous sont plus parlantes... et "visuellement" intéressantes. Cherche dans le sommaire Mitch, ton bonheur trouvera.
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