On continue de faire confiance à la sélection des gars de Criterion dans le choix de films contemporains (estampillés, disons-le, black-african culture) et on est plus souvent consterné qu'à son tour... Rien de bien méchant, pourtant ici, dans ces retrouvailles entre un type devenu chauffeur de taxi à New-York et sa femme et sa fille après... dix-sept ans de séparation. Ça fait un fameux trou, pour le coup, et pas sûr de prime abord que nos trois personnes se retrouvent immédiatement sur la même longueur d'ondes, chacun ayant qui plus est sa petite faiblesse perso... Le père, fin danseur, entretenait une liaison avec une femme rencontrée dans un dancing, la mère, croyante comme un bénitier, est totalement tombée dans la prière et la dévotion à ô Jizzzusss ô Lord (j'ai économisé 1000 boules, je vais les envoyer à l'église ! son mari s'étrangle alors qu'il s'échine au taff), quant à leur jeune fille, elle est adepte de break-dance et point insensible au charme d'un garçon nouvellement croisé - mais avec une telle mère, pas facile de sortir du chemin de croix en se trémoussant du popotin (ô Jizzzz). Msangi, pas bégueule, se la joue Kubrick en nous présentant les trois personnages chacun leur tour, en reprenant, sur le même laps de temps, leur évolution, leur rencontre, leur clash... Pas franchement folichon, le truc : le chauffeur est plus pépère que pervers avec sa voix de Garou semi aphone et on sent bien depuis le départ qu'il a du mal à tourner la page ; d'autant que sa femme, avec son obsession de l'église, lui paraît pas franchement youpla boum... La jeune femme, elle, tente de s'émanciper mais risque de devoir se battre pour échapper aux sermons de sa mère. Enfin cette dernière, femme au foyer, tente de sortir un peu de sa routine en discutaillant avec sa voisine qui n'est pas d'une originalité monstre... Tout cela est gentillet, donc, pour ne pas dire d'une banalité redoutable - pas facile, en arrivant d'Afrique, de trouver le rythme, ah ben ça c'est sûr... Seule la danse semble pouvoir refaire le lien, recréer du ciment entre ces trois êtres en plein doute... On pourrait s'inquiéter pour eux si on avait de quelconques accointances avec le trio... Mais c'est pas vraiment le cas : un pater avec deux de tension, une gamine à la mine constamment boudeuse, une mère prête à bouffer son chapelet, mon dieu, c'est aussi triste qu'un soir d'élection tout ça... On sait bien que dans la dernière demi-heure, ce sera l'épreuve de vérité (ça passe ou ça casse) mais fondamentalement on s'en fout un peu - Msangi filme la chose avec le même brio qu'un réalisateur de Columbo, autant dire qu'on arrête pas d'espérer une tragédie soudaine pour nous sortir de notre torpeur... Non, pas le genre apparemment... Le générique tombe et nous laisse amor-phe. Plus ethnique que beatnik, plus nonne que fun... Morne plaine.

Farewell Amor (2020) de Ekwa Msangi

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