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Shangols
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16 mars 2008

La Sirène du Mississipi de François Truffaut - 1968

sir094  sir095

Bien que dédié à Jean Renoir, La Sirène du Mississipi (un seul p, paraît-il, car il s'agit du nom du bateau, pas du fleuve) semble bien être la définitive déclaration d'amour de Truffaut à Hitchcock, saturé qu'il est de références au maître. Comme un gamin, Truffaut sautille visiblement de joie à l'idée de reprendre quelques-uns des grands thèmes de son modèle : tiens, si on appelait l'héroïne Marion, si on a faisait disparaître à mi-film, si on assassinait un détective dans des escaliers, comme dans Psycho ? Tiens, si on la faisait arriver avec une cage à oiseaux, comme dans The Birds ? Tiens, si on inventait un couple asexué, elle visiblement frigide, lui totalement frustré, comme dans Marnie ? Tiens, si on complexifiait la coiffure blonde de l'héroïne, et si on travaillait sur le thème du gars qui fait deux fois la même erreur pour trouver l'amour, comme dans Vertigo ?... Depuis la musique jusqu'aux petits détails de costumes, Truffaut pique allègrement dans le livre de recettes hitchcockiennes, et livre un hommage touchant et respectueux à son aîné, tout en réalisant une oeuvre truffaldienne à mort.

Capt_film

Car là où Hitch est un cinéaste quasi-scientifique, Truffaut reste un indécrottable romantique, un inlassable littéraire. La Sirène du Mississippi est très loin du simple "à la manière de". Chargeant son scénario de dialogues beaux à se damner, y ajoutant une touche de désespoir amoureux, il livre un de ses films les plus personnels et les plus sombres. L'histoire est très belle (un homme trahi par la femme qu'il aime la reconquiert et se condamne pour elle, juste pour être aimé d'elle), avec des personnages certes symboliques mais magnifiquement dessinés psychologiquement : Belmondo, en solitaire amer, en amoureux fou, en être conscient de sa déchéance (belle allusion à La Peau de Chagrin de Balzac), excelle dans le non-jeu ; son corps, qui ne colle pas avec le personnage, devient pourtant magnifique de maladresse et de fatigue par la grâce de la direction de Truffaut. On est même tout étonné de le voir (il ne peut pas s'en empêcher) escalader la façade d'un hôtel ou sauter avec souplesse d'une fenêtre. Le choix de cet acteur pour un tel rôle n'était pas gagné ; il s'avère évident. Belmondo est émouvant à mort, surtout dans les dernières scènes, où il s'abandonne totalement à son amour fou. En face, Deneuve, plus attendue dans son rôle de doublure de Kim Novak, froide, vénale, opaque, livre elle aussi une composition courageuse et sans faille. Elle est LA salope, manipulant son mâle sans aucun scrupule, lui enfonçant la tête sous l'eau pour assouvir son ambition ; et pourtant on l'adore, comme Belmondo. La grâce de l'écriture fait qu'on s'attache à elle malgré son caractère odieux, presque "grâce à" lui.

Capt_son

Truffaut fait la part belle, au milieu de son intrigue policière, aux temps de pause, aux moments suspendus, dédiés uniquement aux rapports de couple : une séquence devant la cheminée, qui pourrait être ridicule par la préciosité passée des dialogues, et qui bouleverse par la tenue de la mise en scène, par le ton murmuré et feutré de l'ensemble ; des instants de complicité joyeuse entre les deux acteurs ; une bobine finale, qui sedéroule au milieu d'un paysage désertique de neige, où le couple trouve enfin sa vérité. On sent que, malgré la grande précision formelle, malgré l'apparente froideur du ton, Truffaut exprime là un romantisme fiévreux et personnel, une sorte de confession intime sur sa vision des femmes, des hommes, et de ce qui achoppe entre eux. Magnifique film, suspendu au-dessus du vide, entre pure théorie cinéphile et journal intime, entre sentimentalité façon "Harlequin" et amertume morbide.

Tout Truffaut : clique et profite

Commentaires
S
Bon, oui PAT....<br /> <br /> Bon, on a le droit de trouver qu'un film manque de quelque chose. <br /> <br /> Bon, je parlais de rapports de classe parce qu'ils sont là, en filigrane, dans le film mais que Truffaut se montre très très frileux. Du coup, La Réunion se réduit à un arrière-plan pour Promovacances. Je continue à penser et à dire que c'est dommage <br /> <br /> Bon, et puis quand on regarde un film, on en a toujours un , déjà, de film, dans la tête. <br /> <br /> Vous n'y pouvez rien. <br /> <br /> Bon, appelez-ça de l'imagination, du désir, de l'anticipation, des a-priori, comme vous voudrez. <br /> <br /> Bon, mais personne n'y échappe. <br /> <br /> Même pas vous.
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P
Bon, non Black Mitch, l'argument qui consiste à reprocher au réalisateur de ne pas avoir tourné le film que vous auriez voulu, vous, qu'il tourne, ça suffit ! Tournez-le vous-même, en montrant donc les "rapports de classe". C'est un joli film décevant dont Truffaut n'a pas du tout maîtrisé le sujet, très subtil, et qui ne passe pas du tout à l'écran. Dommage.
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B
Ce film est d'un ridicule achevé. <br /> <br /> "Tes yeux sont deux petits lacs marrons"... Je me roule par-terre ! Surtout dit par Belmondo. <br /> <br /> Deneuve avait acheté les droits de "Black Angel" du même Irish pour donner ça à Truffaut... Heureusement que pitoyables recettes de La Sirène ont dissuadé les producteurs. On nous aurait encore massacré ce pauvre Cornell Woolrich qui avait eu plus de chance avec Fenêtre sur cour ou Une Incroyable histoire. <br /> <br /> <br /> <br /> En outre, il est bien regrettable de tourner à La Réunion sans y distiller, au moins, quelques traits sur les rapports de classe. Car, même si ce n'est pas le sujet, avec cette histoire de propriétaire terrien "aux "colonies", c'est dommage de tourner en Suisse (hi, Boulon) et de ne pas y inclure de chocolats", comme disait Hitch. <br /> <br /> <br /> <br /> Quant à la tendance qui incline à aimer des films mal aimés parce qu'ils sont mal aimés... Euh, hem, c'est pas une définition du snobisme, ça ?
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F
Pas d'ac' ! Truffaut a saccagé le bouquin d'Irish par prétention littéraire. Autant la Mariée portait bien le noir, autant la Sirène est à la manque. Cette histoire universelle et oh combien d'actualité avec les escroqueries sentimentales sur internet méritait des personnages précis et très signifiants incarnés par Philippe Noiret et Béatrice Dalle par exemple, avec une action soutenue. Pas besoin de chichi pour apprécier le romantisme du héros qui, découvrant peu à peu le poison dans le cadeau de la vie, va jusqu'au bout du destin.
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G
Merci, Amanouil. Très sous-estimé en effet, ce Truffaut, mais il faut dire que j'ai tendance à préférer les Truffaut "sous-estimés" (L'Argent de Poche, La Nuit Américaine, L'Amour en Fuite...) à ses chefs-d'oeuvres consacrés.
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