Je ne suis pas un grand connaisseur du gars Lewis, ni forcément, avouons-le, un grand fan, le type ayant plus tendance à me faire penser à notre national Louis De Funesovitch qu'au génial Buster Keaton. Et pourtant, le Jerry, il en a sous la pédale au niveau de l'énergie, du burlesque... et des grimaces - le truc qui a toujours tout de même été insuffisant pour me dérider, je m'en excuse platement. De ses débuts tonitruants au côté de Dean Martin (le crooner et le déconneur, le beau gosse et le sale) à son engagement téléthonesque pour sauver des gamins atteints de maladies musculaires (l'un des seuls aspects pour lequel il semble véritablement reconnu aux USA), Monro tente en une heure de faire le tour de ce personnage grand déconneur mais également grand amateur de technique... C'est, on le savait, surtout du côté de la France, que le gars Jerry fut porté aux nues, ce que confirme ici les interventions de Pierre Etaix, de Louis Malle (!) ou encore du critique Benayoun... Derrière le clown, on a toujours su en France voir les grands hommes de satire, les finauds caricaturistes des travers de la société, de Molière à Beaumarchais, de Montesquieu à Jean Castex. Jerry était en France comme un poisson dans l'eau, porté aux nues même par un Godard qui, en anglais s'il vous plaît, loué son sens inné du « frame » - un autre farceur que ce Jean-Luc, toujours là où on l'attend le moins.

Il est aussi bien évidemment question de The King of Comedy, cette œuvre de Scorsese du début des années 80 qui permit à Jerry de s'attirer les faveurs de la critique américaine : leur en est-il reconnaissant ? Il n'y a qu'à voir le bras d'honneur qu'il leur adresse lors de cet interview-bilan qu'il fait en fin de carrière pour se rendre compte de tout le bien qu'il pense de la critique ricaine... Derrière son petit côté bouffon, on sent forcément l'homme de caractère, de conviction, qui sut toujours faire le pitre sans prendre trop au sérieux sa gloire amassée en cours de route – une gloire qu'il célébrait lui-même de façon extravagante ; quant à l’aspect plus psy (des parents qui le délaissèrent quelque peu, son besoin d’attirer l’attention), on dira seulement que Monro semble enfoncer des portes ouvertes... Bref. Passons. On prend un vrai plaisir à voir le gars partir en vrille sur scène avec son poteau Martin (une gageure de chanter "Singing in the rain" avec Jerry sur scène), on aurait envie de découvrir The Ladies Man qu'avait justement bien aimé mon comparse, et on se dit surtout que derrière toute cette face souvent grotesque se cachait une énorme sens du timing et de l'improvisation qui n'est pas si courant quand on fait le bilan des grands comiques cinématographiques du siècle dernier. Un clown hors norme, inclonable.

Jerry Lewis, clown rebelle (Jerry Lewis, the Man behind the Clown) (2016) de Gregory Monro

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