Un bon vieux film de vengeance à l'ancienne, avec vilains qui douillent et gentils ambigus, ça ne se refuse pas. Surtout que celui-ci sent le politiquement incorrect : il traite des séquelles de la guerre au Vietnam, et montre comment le traumatisme peut engendrer des monstres. Charles Ranes rentre chez lui après des années de prison au Vietnam. On voit bien, dans les flashs-back ratés qu'on nous propose régulièrement, que c'était pas tout à fait la fête du slip : tortures, brimades, manque de sommeil, le gars est bousillé de l'intérieur. Il erre dans son foyer retrouvé, se sent désoeuvré et à part, mais tombe quand même plus ou moins sous le charme d'une donzelle toute blonde. Quand des méchants, profitant de sa nouvelle fortune, le dévalisent, le tabassent et tuent femme et enfant, le gars n'a plus qu'une idée en tête : la vengeance. Accompagné de sa nouvelle gorette et par son équipier de galère (Tommy Lee Jones, tout jeune et beau comme James Dean), il part en traque façon plat qui se mange froid.

La majeure partie du film est vraiment bien. Que ce soit pour filmer le retour des prisonniers, avec ce protocole effrayant mis en place, qui rompt avec le dépaysement complet des soldats ; ou pour filmer la longue poursuite à travers le Mexique, road-movie à la Bonnie and Clyde en plus désabusé ; ou pour filmer l'ennui total qui gagne les militaires de retour chez eux, déphasés au milieu de leurs familles normées ; ou pour filmer les bas-fonds, les bistrots interlopes et les arrière-salles de cantinas glauques, John Flynn fait du beau boulot, attentif aux ambiances, dirigeant très bien ses acteurs (William Devane, opaque derrière ses verres fumés, effrayant), adoptant un rythme jazzy qui monte en puissance tout au long du film. Les dialogues incisifs et nihilistes de Paul Schrader, toujours en mode "faute originelle qui réclame vengeance" qu'il entamât avec Taxi Driver, ajoutent à la noirceur d'ensemble : rien n'est à sauver dans ce bas-monde, l'homme est un loup pour l'homme, et pour la femme aussi. Les maigres tentatives de la blonde (Linda Haynes, très bien aussi) pour apporter un peu de lumière à son compagnon se soldent par des répliques cinglantes ("- Pourquoi il faut toujours que je tombe sur des dingues ? / - Parce que c'est tout ce qui reste.") ou des disputes homériques. C'est black de chez black, jusqu'à ce que ça vire au rouge sang dans la dernière bobine, qui s'emballe franchement. Je dois reconnaître quand même que le film ne m'a pas non plus complètement passionné, peut-être parce que le sujet de la guerre qui rend les gens fous est vraiment rebattu (Rambo, finalement, est plus intéressant), peut-être parce que le moment de bravoure (la fusillade finale) est assez raté, peut-être parce que tout est écrit à l'avance et avance sans surprise. On en retiendra un beau portrait de couple désaccordé mais fusionnel et un vrai sens des atmosphères délétères. Légitime, donc.

Légitime Violence (Rolling Thunder) de John Flynn - 1977

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