Les critiques se sont visiblement tapés sur les cuisses et ont trouvé la meilleure comédie depuis les Monty Pythons, tant mieux pour eux. Moi, avec mon caractère raisonnable légendaire, je n'y ai vu qu'une sympathique et minuscule petite chose qui prête il est vrai parfois à sourire bienveillamment, mais aussi parfois à lever les yeux au ciel devant un trop plein d'incompétences. Mais allez : voilà un film qui change un peu du mauvais esprit fatigué de Judd Apatow, évite le cynisme à tout prix et propose un humour plus bon-enfant qui fonctionne. Max et Annie, un couple fusionnel et fan de jeux de société, organisent régulièrement des soirées jeu avec des amis assez croquignolets (il y a le couple propre sur lui mais névrosé, le don juan crétin qui ramène des bimbos, le voisin flic divorcé et glacial...). Avec l'arrivée du frère-winner de Max, le ton change : le gusse va mettre les moyens et organiser un jeu de rôle grandeur nature, avec enlèvement à la clé, gangsters armés jusqu'aux dents et flics mâchoire serrée. Mais le jeu dégénère quand la réalité s'en mêle : est-on encore dans un jeu, ou pas ? Quiproquos, jeux de mots, allusions fines et référencées, scènes d'action, séquences absurdes, coups de théâtre, personnages fendards, Goldstein et Daley ne s'épargnent pas pour nous arracher les rires promis sur l'affiche. Ils y parviennent parfois, grâce surtout aux acteurs. Les deux principaux, surtout, forment un délicieux couple au charme britannique, complices, féroces, ne perdant jamais leur flegme et leur humour même au milieu des fusillades : la fantaisie de Rachel McAdams et le jeu nuancé de Jason Bateman sont très agréables à regarder et font 90% du plaisir du film. Ils sont entourés de quelques solides seconds rôles, les réalisateurs n'oubliant pas de donner corps à ces personnages gentiment caricaturaux (Jesse Plemons en flic effrayant, toujours entouré d'une sorte de bourdonnement de guêpes dès qu'il parle, est vraiment drôle).

Le film souffre malheureusement d'un scénario bâclé. On aurait aimé être baladés comme des sacs dans cette histoire, y découvrir de l'invention et des situations à la hauteur de son idée de base. Mais, empêtrés dans les références, trop concentrés sur leurs dialogues, les bougres oublient de développer leur pitch : le scénar à la The Game s'échoue très vite dans les scènes d'action pas très bien menées (un plan-séquence qui suit le passage d'un oeuf de Fabergé de l'un à l'autre, notamment, laborieux), et dans des gags déjà vus ailleurs (le chien, le faux flingue qui est un vrai, etc.). La drôlerie du film réside entièrement dans les personnages et leurs interprètes, alors que l'intrigue annoncée aurait pu être diabolique. Pas très bien réalisée, très modeste, sans ambition, cette "comédie de l'année" fait juste passer un petit moment agréable de vidage de cerveau pour pas cher. C'est mieux que rien.

Game Night de Jonathan Goldstein et John Francis Daley - 2018

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