Voilà un film d'amour vietnamien sur fond de guerre tout en dignité et en sobriété... Je dis "d'amour", mais cet amour d'origine entre l'héroïne (Duyên) et son mari, on ne le verra pas puisque celui-ci a été tué au combat et ne reviendra point ; et je dis "sur fond de guerre" même si cette dernière sera tellement en fond qu'on ne la verra jamais... Bon c'est un film sur quoi, alors ? Eh bien sur la relation entre Duyên et son fils, déjà, entre Duyên et son beau-père, affaibli, deux êtres qui, comme tout un chacun au village ne connaissent pas le secret de Duyên, à savoir la mort de son mari... Pour tenter de "couvrir" cette mort, elle demande à un ami, l'instit du village, d'écrire des lettres à sa famille... Seulement voilà, ce qui devait arriver arriva, on sent inexorablement une certaine attirance naître entre la veuve et ce gentil garçon... Va-t-on tout droit vers un scandale retentissant ou les mœurs vietnamiennes étant ce qu'elles sont tout se passera-t-il à pas feutrés, comme étouffé par une certaine pudeur ?

Alors oui, disons-le de prime abord, l'image en noir et blanc est de toute beauté et le film, qui eut pu déjà avoir souffert les rides du temps (genre ces films asiatiques ou africains des années 80 qui semblent déjà datés d'un siècle), brille encore de tous ses feux. C'est plus qu’agréable de voir ce teint lumineux de cette héroïne, cette bien belle lumière sur les rizières ou encore ces scènes nocturnes dont on parvient à voir aussi bien les personnages, que les esprits et même les fantômes... De l'esthétisme qui n'est pas que chic mais au service d'une histoire pleine de retenue, de regards qui en disent long (ceux de l'héroïne et de son éventuel futur amant...) et qui dispose d'une musique alanguie point trop sirupeuse... Oui, il y a bien ici un petit ralenti un peu too much, là des acteurs pas ultra-professionnels ou encore des mises en scènes (quand il y a notamment des figurants ou des enfants) qui manquent un peu de naturel, de mouvement mais tout cela reste de très bonne facture. Minh, notre cinéaste, est un adepte de la mise en abyme, qu'il s'agisse de cette pièce de théâtre où l'héroïne évoque l'absence de son amoureux ou de cette rencontre entre l'héroïne et "l'esprit du village" : cet esprit est mort depuis longtemps mais continue de hanter les lieux, à l'image de ce mari finalement qui continue, malgré sa disparition, d'animer les conversations et dont on "croit" encore et toujours à l'existence, au retour... On sent que cette perte non avouée perturbe notre héroïne qui s'accroche tout de même à son secret ; les attentions de l'instit viennent forcément rajouter à son trouble sentimental et affectif et l'on ne sait trop comment la petite Duyên va parvenir à gérer à la fois son cœur et ses proches... Peut-elle tourner la page, lâcher le morceau, commencer une autre vie ? On avance à petits pas dans cette société où l'on sait, où l'on doit avant tout garder les apparences... Joli, si si vraiment, c'est le mot, joli petit film asiatique qui reflète avec délicatesse toute la culture d'une terre. Oui, joliment sensible, voilà.

When the tenth Month comes (Bao gio cho den tháng Muoi) (1984) de Dang Nhat Minh

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