De Babenco, nous gardons un vague souvenir de deux-trois films dans les années 80. L'Hector avait pourtant réalisé auparavant ce film coup de poing sur la jeunesse brésilienne à la dérive, un film qui fait date... Des millions de gamins délaissés par leurs parents : quand ils ne se retrouvent point à s'ennuyer comme des rats morts chez eux ou à errer dans les rues, ils se retrouvent après des rafles dans ces centres pour mineurs bondés gérés... euh...de façon sauvage. On suit les pas du chtit Pixote qui tente de survivre parmi les gamins plus âgés et plus taillés que lui ; faut bien reconnaître que ces centres sont loin d'être un havre de paix. La menace est aussi bien intérieure (viol, meurtre...) qu'extérieure (police, surveillants... qui proposent comme activité de formation et de loisirs : tabassage ou simple flinguage...). Bref, survivre n'est pas un vain mot dans ces conditions ; il faut savoir faire les bonnes alliances et avoir la chance de passer à travers les mailles du filet pour ne pas se retrouver bêtement avec une bastos dans le bidou ou se faire proprement massacrer. La première heure est assez anxiogène puisque l'on reste entre les murs de ce centre où Pixote voit plus d'un de ses camarades tomber. Il parvient à s'échapper avec une poignée d'entre eux : il tentera à nouveau de survivre en volant à la tire dans les rues de Sao Paulo puis en vendant de la drogue et en braquant des clients de prostitués à Rio. Un décrochage scolaire en forme de fuite en avant, éminemment tragique et glauque.

Babenco, caméra vissé au corps, prend des gamins des rues pour jouer à l'acteur et son choix se révèle payant : gamins écorchés vifs, queers, petite teigne, bourrins... on a droit à un panel de gamins tout à fait crédible ; on sent la sueur et les poux dans ce décor plus vrai que nature. Le portrait des flics et des surveillants est lui aussi tout aussi crédible et fait d'autant plus peur. Policiers moustachus sans foi ni loi, surveillants aux allures de vétérans de toutes les dernières guerres qui n'ont pas dû signer la dernière déclaration sur la protection de l'enfance : un écart, t’es écartelé. Si nos gamins sont en danger dans les rues de la ville, ils le sont tout autant dans ce foyer et Babenco ne nous épargne rien, des règlements de compte sanglants aux petits arrangements louches avec la flicaille ; à la fin, c'est toujours un gamin en moins et les médias se font à peine le relais de ces disparitions soudaines - tout le monde s'en branle, c'est l'idée. Quand nos gamins se retrouvent à l'air libre, c'est forcément la porte ouverte à toutes les dérives : fumette, drogue et flingue ; voir un bambin armé, cela fait sourire deux secondes jusqu'à ce qu'il tire... Le chtit Pixote suit doucettement la pente menant droit aux enfers, jeté comme un clébard dans un monde d'adultes où l'essentiel est d'être le moins mort possible. Larcins, amitiés bancales, coups de cœurs, meurtres, la chute est vertigineuse et l'on sent que tout, dans le destin d'un tel gosse, est piteusement réaliste. Babenco nous fait le coup du film-doc sans concession et cette œuvre - même si plusieurs films sur le même thème se sont depuis accumulés - garde encore une "fraîcheur" et une intensité qui est tout à son honneur. Bienvenue sur Shangols, Hector.

Pixote, la Loi du plus faible (Pixote: A Lei do Mais Fraco) (1981) de Hector Babenco

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