Ah il est bon parfois de revenir au bon temps du muet, lors d'une petite parenthèse de 4h30 tout de même puisqu'il s'agit là d'un fameux "cinéroman" en quatre épisodes, un véritable feuilleton, pardon une vraie série pour esthète de la chose ! Alors oui, plaisir de gambader dans les allées du Louvre, de nuit, dans cette salle des Dieux barbares, de croiser la Vénus de Milo ou la Victoire de Samothrace, le temps d'une balade ou d'une course-poursuite dans les coursives de cet ancien château mythique, hanté, habité, plaisir de revoir ce Paris des années 20, ces Champs-Elysées couverts de teuf-teuf, ces kiosques à journaux blindés de monde, cette Tour Eiffel belle comme un éphèbe, plaisir de suivre aussi une enquête un poil alambiquée où les retournements de situation (notamment dans le dernier épisode, alors qu'on pensait avoir déjà tout compris... que nenni) sont aussi nombreux que les retournements de veste de Guillaume Peltier, plaisir enfin de toutes ces postiches (putain, on avait l'art du déguisement dans ces années-là, tout de même ! Une barbichette et paf, tu étais un autre homme, incognito) et de ces moult évanouissements (toutes les occasions étant bonne pour tomber dans les bras de son voisin, c'était d'un romantisme beaucoup plus tendre que Tinder, si je peux oser un pertinent parallèle).

Oui, on se régale de ce petit côté vintage d'il y a un siècle et ce, donc, sur plusieurs heures d'affilée, sur quatre jours, même dois-je avouer. Bon après, il faut aussi vite revenir sur terre. Ces quatre heures, hein, il faut les combler de scènes plus ou moins passionnantes. Et avouons que si chaque (rare) apparition de ce mystérieux et dangereux Belphégor nous emplit d'une joie toute enfantine, il faut aussi se taper pas mal de scènes intermédiaires un peu moins palpitantes... On passe ainsi un temps infini dans ces décors de studio au plafond plus haut que l'Arc de Triomphe, ces intérieurs avec escaliers géants qui font un peu trop penser... à un décors de théâtre de boulevard... Et comme c'est filmer le plus souvent un peu "à plat", comme une pièce de théâtre justement, on finit par faire la moue plus souvent qu'à son tour. Ah ça, nom de dieu, on prend son temps en petites discussions oiseuses, à se morfondre parce que Machine est malade, à se demander si Machin ne serait pas coupable, à discutailler le bout de gras avant de passer à table... On vit chaque petite sortie en extérieur, du coup, comme une libération, comme un petit souffle d'air frais...

Au niveau des personnages, on a droit à quelques individus droits dans leur botte comme le reporter Bellegarde et le privé Chantecoq qui lui vole la vedette dès le deuxième épisode, à des flics cons comme des bidons et parfaits dans leur rôle de flic, à des jeunes premières (les deux donzelles en vedette qui attirent le regard de Bellegarde) dont je ne voudrais pas pour beurrer ma tartine (les canons de beauté changent, ne dit-on pas) et enfin surtout à de bonnes vieilles tronches de marlous, les bons vieux seconds couteaux bossus, ricaneurs, torves qu'il fait toujours bon de croiser dans ce genre de production. Alors oui, ça traine un petit peu en longueur, c'est vrai, on sent que Desfontaines n'a pas non plus le même sens du rythme, du montage, de la petite trouvaille qu'un Hitch de la même époque, mais on prend quand même son petit plaisir pépère devant cette oeuvre, il faut le dire, subliment restaurée depuis l'an dernier. Belphégor, l'original en images, le pur, le dur, comme un petit parfum d'enfance (j'étais pas vieux dans ces années-là, c'est vrai, mais je me rappelle qaund même ces bonnes vieilles parties d'échecs avec Roché, Duchamps et toute cette clique, ah... fuck, je m'emballe). Pas gore, non, mais ça le fait. Bel et bien.

Belphégor (1927) de Henri Desfontaines

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