Bien joli court métrage que celui des frères Quay qui nous emmènent dans un monde de bric et de broc, dans un univers à la fois quasi-carcéral, clôt mais jamais dénué de poésie, dans un monde où les objets, libres pour certains dans leur mouvement, parviennent à raffistoler avec les moyens du bord leur propre univers... Lorsque cette marionnette parvient à s'échapper du fil qui la retient, on pense qu'elle partira découvrir le monde. Que nenni, elle ne fera que tourner en rond dans un monde qui ne tient qu'à un fil, sous le regard inquisiteur d'un poupon un rien inquiétant (mais pas forcément dangereux). Des vis d'agitent, se libèrent mais se replantent illico dans un parquet dans ce monde où rien ne se perd mais où peu de choses se crée. Notre petite marionnette sera prise en main par les assistants du poupon qui lui donneront un peu de couleurs mais notre héros semble comme destiné, dans ce monde anxiogène, à tourner en rond. On apprécie malgré tout les petits instants de magie qui émaillent le court (une fleur qui se recompose, un assistant capable d'un mouvement gracieux...) mais le ton musical (heureusement un peu plus enjoué sur la fin) et la conclusion "écrite" ne prête pas forcément à l'optimisme... Voilà, pour le fond... L'essentiel, of course, restant la forme, les frères Quay s'ingéniant à chaque seconde à mettre en mouvement cet univers de bouts de ficelle, soignant chaque détail, dans un montage d'une fluidité folle... On pénètre dans ce monde de poupées malades comme si on pouvait les observer par le biais d'un microscope et l'on est constamment scié de voir toute cette vie qui s'anime. Un dessin-animé d'artisans consciencieux qui nous font pénétrer dans un univers troublant aussi noir que magique, un univers a minima où chaque cheveu, chaque objet, même cassé, semble avoir encore un petit rôle à jouer. Délicatement concocté, une poésie dans un écrin de noirceur, comme un monde au rebut qui continuerait d'y croire.

La Rue des Crocodiles (Street of Crocodiles) (1986) de Stephen & Timothy Quay

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