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24 avril 2024

LIVRE : La plus précieuse des Marchandises de Jean-Claude Grumberg - 2019

Le syndrome Matin brun est de retour. Souvenez-vous de ce minuscule bouquin qui avait fait un succès monstrueux, et qui, quand on l'ouvrait, ne savait que vous raconter un conte un peu bêbête sur l'intolérance, renvoyant Orwell et Huxley à leurs études. La plus précieuse des Marchandises, même s'il est beaucoup mieux, même s'il est travaillé avec plus d'intelligence, est sur le même créneau : raconter des événements connus de tous, mais traumatiques pour tous, et le faire dans une langue simple, accessible à tous, presque enfantine, pour lui donner toute l'universalité nécessaire. Autrement dit, comme dans un conte, il re-raconte toujours la même histoire, la façon de le faire faisant la nuance plus que les détails de la trame. Bon. J'ai peu d'estime pour Matin Brun, et j'ai grincé des dents au départ de ce petit livre, écrit comme un conte d'Andersen, ou en tout cas dans une écriture qui tente d'en copier le style. Le style de Grumberg, rompu, depuis des années qu'il écrit pour le théâtre, à l'humour ironique et aux bons mots, n'a plus grand chose à faire pour être brillant ; encore faut-il qu'il soit pesé, et là, dans cette parodie de contes, il échoue un peu à tous les postes : et à rendre les personnages attachants et autres que caricaturaux, et à instiller de l'horreur et de l'étrange, et à cultiver le merveilleux, et même les règles essentielles du conte ne sont pas vraiment respectées (en terme de répétitions, de montée du suspense, de contrepoint). Bref, c'est bizarre mais on dirait que Grumberg n'a jamais lu de contes traditionnels, ou n'en a retenu que la surface, ou au mieux qu'il tente dès les premières pages de balancer le genre aux orties. Curieux alors d'avoir choisi ce genre-là pour raconter son histoire.

 

L'histoire est d'autant plus émouvante qu'on apprend à la fin qu'elle a pour base la réalité concrète de son auteur. Pendant la déportation des Juifs, un bébé est lâché d'un train en pleine forêt, son père avide d'offrir un espoir de survie à sa fille. La "marchandise" est récupérée par une brave bûcheronne miséreuse qui va braver le froid, la faim, et la milice pour faire vivre sa fille adoptive. Une histoire de Juste, donc, comme on en a lues des centaines, mais qu'il est toujours bon de se remettre sous les yeux de temps en temps histoire de vérifier que, même au plus profond de l'horreur, l'espoir de voir fleurir l'Humanité est toujours là. Grumberg n'a rien à raconter de plus que ça, c'est-à-dire cette histoire tristement horrible de déportation, de mort, de lutte pour la survie, et si elle ne l'avait pas touché de près, on se demanderait un peu le pourquoi de cette énième pierre apportée au devoir de mémoire, d'autant que le livre est beaucoup trop court pour être vraiment édifiant ou pour creuser le sujet. La distance apportée par la narration en forme de conte est presque malheureuse parfois dans ce contexte, on imagine la tronche qu'aurait faite Lanzmann à la lecture du livre. Mais, allez, il faut reconnaître que l'émotion pointe son nez, surtout sur la fin, dans ce petit récit enfantin et assez brutal, simple et "amèrement léger". Le gars sait travailler un mélodrame discret, modeste, et sait très bien gérer la montée des sentiments. Mais son livre reste à la lisière de quelque chose, ce qui, pour une histoire aussi ample, est bien dommage.  (Gols - 17/04/19)

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Séance de rattrapage pour Hazanavicius sélectionné de dernière heure pour Cannes 2024 et séance de rattrapage pour moi-même qui n'avais point lu ce petit "conte" ancré dans l'Histoire (c'est un paradoxe, oui) écrit tout en délicatesse et en émotion : un train (qui part de Drancy...), un bois, un bébé lâché d'une fenêtre par un père prévoyant, un bébé miraculeusement récupéré par une bucheronne et le reste... est un conte de fée et de monstres... Les monstres ce sont ceux qui sont à la poursuite de ces soi-disant "sans-cœurs", les Juifs pour ne point les nommer, alors même que le leur est en pierre ; les bonnes fées ce sont les personnes qui vont se pencher sur la vie de ce bébé, notre bucheronne au petit soin, son bucheron (au cœur résistant puis fondant), cet homme des bois (laissé-pour-compte d'une humanité qu'il fuit, blessé qu'il fut par le passé par la sauvagerie des hommes)... Un éternel combat entre des êtres de bonne volonté et des assassins du genre humain... Grumberg (homme de théâtre... et co-scénariste des dialogues du Dernier Métro : cela marque des points, évidemment) sait trouver des mots simples, des mots tendres, pour nous conter ce récit toute en finesse et en justesse de cœur. On est pris, rapidement, dans le tourbillon de ce sauvetage incroyable (le sacrifice d'un père, la volonté protectrice d'une bucheronne) dans une époque tout aussi improbable... par sa lâcheté, sa soif de sang, son jusqu'au-boutisme infernal... Un peu d'espoir dans cette forêt, loin du monde, alors même que le monde devient fou, s'aveugle, s’auto-détruit... On est rapidement de tout cœur avec cette femme qui, seule contre tous au départ, permet de croire en la dernière étincelle d'humanité existante. C'est narré avec une grande douceur, une infinie pudeur alors même que l'horreur fait rage. On espère (et on y croit) qu'Hazanavicius, avec son adaptation animée sera à la hauteur de ce petit ouvrage précieux (recommandé par Léa Salamé !!! Diable... Où sont passés les critiques littéraires ?).  (Shang - 24/04/24)

Commentaires
M
Il n'y a pas de rangement des livres chroniqués par ordre alphabétique d'auteurs ?
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