"Les ours c'est en haut et les souris en bas, c'est ça ? (...) Mais arrêtez avec vos préjugés... !!"

Adorable et belle petite chose que cet Ernest et Célestine qui se savoure avec finesse sans que l'on ait jamais l'impression qu'on nous prenne pour des spectateurs avec 3 ans d'âge mental. Ernest et Célestine, c'est un fabuleux et malin concentré qui prône le mariage pour tous, c'est un admirable et finaud dessin-animé qui défend la tolérance et combat les stéréotypes, c'est un intelligent et drôle film d'animation que l'on regarde avec des yeux d'enfants et le cerveau d'un gars qui n'irait pas manifester contre quelque chose d'évident. La petite voix fluette de la souris nous met d'entrée de jeu sous son charme, la grosse voix lambertwilsonienne de l'ours grognon nous met dès le départ le coeur en joie. Les dessins ont la pureté de ceux d'un Sempé, les dialogues (signés Pennac... eh ouais... et l'ami Gols de passer son tour illico...) sont po mal (...) et les couleurs sont absolument sublimes, toujours dans le bon ton, toujours dans le bon goût.

Une souris et un ours peuvent-ils être potes ? Non, si on en croit la Christin Bottine et la Frigo Barjide du coin, une vieille souris qui se donne des airs en buvant de la camomille et dont les propos arriérés semblent affreusement influencer le physique. Le grand méchant ours bouffe tout cru les ptites souris, un peu comme les grands noirs pourraient dévorer tout cru les petits blancs... Mais tout cela n'effraie en rien notre chtite souris Célestine qui va faire ami-ami avec le gars Ernest pour aller dérober une dentiste-ourse - car c'est bien connu, la nuit, les petites souris volent les dents (dont elles font ensuite un usage essentiel chez leur propre dentiste, car une souris sans canine, c'est un peu comme une femme sans cheveux pour oser la comparaison originale). Nos deux amis un brin maladroits ont le don pour s'attirer la foudre des bien-pensants et vont se retrouver pourchassés à la fois par la police ourse et la police souris (superbe confrontation dont je ris encore)... Ils connaîtront loin de la foule travailleuse leur saison au paradis avant d'être rattrapés par ces vieux démons flicards... Chacun dans la prison du monde de l'autre, nos deux amis seront séparés et jugés par des gens chez lesquels la présomption d'innocence n'existe point... Nos deux juges bouchés/bouchers seront pourtant bien obligés de se rendre compte qu'un accusé peut parfois, lui-même, vous libérer de votre étroitesse d'esprit, de votre aveuglement.

On rit, on bat des mains, on tape des pieds (oui, j'en fais trop et alors ?), on sourit comme devant un coin du feu qui pétillerait d'allégresse et cette extraordinaire aquarelle en mouvement vous fait peu à peu sentir plus léger. Un délice pour la jeunesse, une belle façon de suggérer aux plus sectaires de retirer leurs oeillères, une indéniable réussite bien de cheu nous. Vive la France animée ! - Oui, j'avais envie de me lâcher et étais presque à deux doigts de lancer un hourra, mais bon. (Shang - 27/04/13)

Mon Shang étant père depuis peu, je peux lui pardonner cet accès de tendresse sirupeuse devant cette bluette cartoonesque. Pour ma part, je suis resté tout à fait de marbre devant la chose, cherchant sans succès où l'enthousiasme de mon compère avait bien pu trouver grain à moudre. C'est vrai que je ne suis pas le public visé (ne serait-ce que parce que Pennac a signé le bazar, Shang m'avait prévenu pourtant, mais j'avais compris Pérec) : ça s'adresse clairement aux plus petits des petits, avec ces couleurs chaudes, ces dangers pas très dangereux, cette croquignolette musique et ces personnages tout doux. C'est tout à la gloire des créateurs de la chose de faire un film uniquement pour les enfants, qui n'essaye pas de draguer les adultes. Mais du coup, voilà : c'est l'oeil morne que j'ai suivi les non-aventures de nos deux amis, dont la plus excitante doit se résumer en gros à : ohlala Célestine j'ai mangé trop de chamallows, je n'arrive plus à passer par la fenêtre... La petite Shanguette a dû applaudir de ses mimines (accompagnée visiblement par son bûcheron de père) ; moi j'ai eu plus de mal. Tant pis : on apprécie effectivement les voix des comédiens, le soin apporté aux arrière-plans et le discours gentiment tolérant de la chose. Je pense qu'après ça, j'irai toutefois écouter l'intégrale Marilyn Manson. (Gols - 08/06/13)

Ernest et Célestine (2012) de Benjamin Renner, Vincent Patar et Stéphane Aubier

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