Et un film du Lesotho, est-ce bien raisonnable ? J'ai envie de dire pas forcément vu qu'au bout de deux minutes (un type, dans une boîte de nuit glauque, s'accompagnant d'un biniou fait maison, se lance dans un récit d'une voix caverneuse...), on sent qu'on risque de se faire un peu chier. Le truc annonce deux heures au compteur, diable ! On est certes rompus en ces colonnes aux films chiants à mourir, on ne peut s'empêcher de tiquer un brin. On se dit bon, quand même, le Lesotho, ça marque des points et on s'accroche... On découvre peu à peu la figure et la personnalité d'une vieille de deux-cent-trente-trois ans au minimum, avec une gueule de tortue qui aurait pris un virage un peu trop serré - pas mieux. La vieille tire une tronche de huit pieds de long qui ferait passer celle de Garrel pour un boute-en-train belge au club med et on comprend vite pourquoi : tous ses descendants sont morts (mari, enfants, petits-enfants et le reste...) et on annonce, cerise sur la tombe, pour les jours qui viennent une nouvelle catastrophe : la construction d'un barrage devrait conduire à l'inondation du village et donc du cimetière. La vieille serrait déjà des dents, elle serre dorénavant des gencives : son combat ne fait que commencer...

Alors bon, je dois reconnaître qu'au niveau de l'action on n'est pas dans un Rambo, c'était à prévoir. Bienheureusement, les plus patients (et les moins neurasthéniques) pourront se laisser embarquer au fil du temps par la beauté de ces cadres, de ces lumières mais aussi par ce petit air si torve de la grand-mère à la démarche plus hésitante qu'un Skeksès (une référence pour les initiés, on est d'accord). Oui, je ne dirai pas non plus le contraire, on se perd un peu parfois dans les paroles ânonnées de ce conteur aveugle, dans ces scènes de procession ou d'enterrement infinies, dans ce rythme plus lent qu'un escargot à court de salive. Mais on reste tout de même à l'affût, spectateur attentif que nous sommes, devant ce paysage grandiose (les deux tétons montagneux de cette mère nature en arrière-plan), devant la fabrication subtile et recherchée de ces cadres (ces cieux qui envahissent l'écran, ces personnes, en arrière-plan, qui traversent l'écran (les travailleurs du barrage tout de jaune vêtus ou ce groupe de porteurs que l'on retrouve au long du film)), devant ces merveilles de composition artistique (les moutons qui envahissent l'écran juste après l'incendie de la case de la vieille : un véritable tableau qui se peint sous nos yeux touche de couleur après touche de couleur - et je pèse mes mots), ou encore devant la beauté de ces tons (une scène autour d'un feu, notamment, saisissante de contraste). De bien belles images, donc, et un combat sans fin mené par ce petit bout de femme butée, têtue, sans concession - une vraie leçon de vie qu'elle semble vouloir nous donner, la vieille pomme (et de résurrection ? Sans doute). Mais voilà, il faut être quand même dans le mood film du monde pour vraiment apprécier la chose, esthétiquement surtout, et oublier au vestiaire toute idée de rythme, j'ai presque envie de dire. Une découverte à réserver peut-être aux personnes, sans frontières cinématographiques, motivées et curieuses.

L'indomptable Feu du Printemps (This is not a Burial, it's a Resurrection) (2019) de Lemohang Jeremiah Mosese

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