Le gars Hitch trouvait que ce film était l'un des summums du suspense... Nous n'irons peut-être point jusque-là, avec tout le respect que je te dois Alfred, mais reconnaîtrons aisément le côté ultra-réaliste de la chose qui sent la sueur, la débrouille et les sous-titres écrits directement à la plume d'oie sur la péloche. Suite à un bombardement, un Américain et un Anglais parviennent donc à s'échapper d'un train qui conduisait des prisonniers alliés en Autriche : ils trouvent refuge dans une petite ferme italienne (l'autochtone est bougon mais a la main sur le coeur) avant d'avoir pour objectif un pays d'accueil : la Suisse. Entre-temps, ils auront rencontré une foule de personnes (des Juifs notamment) qu'ils vont également "prendre en charge" dans leur fuite...

Déjà, la première chose que l'on peut respecter chez Lintberg, c'est cette volonté de laisser à chacun sa propre langue : même si cela est parfois un sacré bordel pour se comprendre, même si cela nécessite de sous-titrer de l'italien, du français et de l'allemand, Lindtberg, contrairement à un certain Spielberg years later, joue jusqu'au bout cette carte multilinguiste. Cela donne un accent de crédibilité à la chose mais également, forcément, un côté universel dans la mission de ces deux (puis bientôt trois) soldats qui décident, malgré les risques encourus, de sauver cette petite part d'humanité (sachant déjà, qui plus est, ce qui se passe dans les camps). Avec leurs grolles de fortune, notre petite troupe va devoir traverser les montagnes et affronter les Boches qui vadrouillent dans la zone : tempête de neige, lutte contre la fatigue et danger de tous les instants... On souffre avec nos réfugiés pour lesquels faire machine-arrière signifierait d'y passer. Outre nos trois soldats qui prennent la responsabilité de faire transiter ces fuyards en loques, il faut noter le sens du dévouement absolu d'un curé local, un Don Patillo tendre comme de la semoule : quels que soient les origines ou les obédiences, notre homme fait tout pour mettre en sécurité les personnes recherchées (femmes, enfants, vieillards et pandas – il y a un intrus). Lui, Don, reste toujours en arrière, même lorsque la menace gronde, pour jouer les intermédiaires et sauver son petit monde. C'est ce petit côté simplement humaniste et ces terribles efforts à l'huile de coude pour échapper au massacre qui donne au film sa patine résolument réaliste, quasi documentaire. L'image est un peu sombre, les péripéties (si ce n'est sur la toute fin dans les montagnes) relativement limitées, et l'ensemble un peu bavard (on cogite pas mal sur les traîtres). Mais le film garde un côté rugueux, "vécu", au forceps tout à fait appréciable à l'heure où les oeuvres de propagande se révèlent par trop lisses - grand prix au Cannes des origines, pas de quoi rougir.

Quand Cannes

La dernière Chance (Die Letzte Chance) (1945) de Léopold Lindtberg

Partager cet article