Et encore une odyssée achevée avec ce seul titre réalisé en solo (avant La Colline des Potences avec Daves) par l'acteur au gros nez Karl Malden, une oeuvre psychologisante d'après-guerre (de Corée) d'une belle tenue ; en adaptant cette pièce, on sent que Malden fait le pari des acteurs : ça tombe bien, il a entre les mains un Richard Widmark de qualité, en colonel droit dans ses bottes, Richard Baseheart en accusé qui tente solidement d'oublier le passé, Carl Benton Reid en général autoritaire et, cerise de charme sur le gâteau, une certaine Dolores Michaels, la secrétaire de Widmark, aussi généreuse dans le fond que dans ses formes. Le scénario s'organise autour de l'accusé : pourquoi cet homme a décidé, du genre au lendemain, alors qu'il était prisonnier, de se livrer totalement à la propagande coréenne ? Avant de le faire passer en court martial, Widmark tente de faire toute la lumière sur ce qui s'est réellement passé dans ce camp : deux hommes sont morts (dont le fils du général), seize hommes se sont serrés les coudes pour survivre pendant neuf mois, sauf, sauf, cet accusé qui, toutes les preuves sont là, a trahi. Le général est pressé d'en finir avec la chose, Widmark, lui, cogite : tout n'est jamais si simple.

L'essentiel de l'action se passe dans le bureau de Widmark : heureusement, la mise en scène est fluide, les dialogues sont forts, les acteurs sont bons, et l'action monte en pression ; Widmark, producteur également de la chose, n'est pas du genre à tomber dans les raccourcis grossiers : les héros ne sont jamais parfaits, les traîtres ne sont pas forcément les plus faibles des hommes. Alors qu'il pourrait tranquillement se laisser aller en pente douce en faisant condamner cet homme que tout le monde hait, en suivant chaque soir après le boulot cette secrétaire au sourire si doux, en obéissant platement aux ordres de son supérieur, Widmark tergiverse et veut donner toutes ses chances à cet homme que l’on condamne d’avance, un homme, qui, il en est sûr, n'est pas taillé dans un bois rongé par les vers. Il interroge les témoins, réfléchit, va voir la femme de l'accusé pour avoir un autre angle, laisse sa secrétaire lui faire des suggestions, ne lâche rien même quand l'accusé reste obstinément sur ses positions... Les fêlures se feront de plus en plus grosses, toute la vérité finira par apparaître, dans ce film qui demeure une subtil réflexion sur la différence entre un "bon" militaire et un humaniste (un bon sujet de disserte pour tout homme qui s'apprêterait à rejoindre les rangs de l'armée - s'il savait écrire). Malden, en bon acteur, a l'œil et la manière pour faire ressortir ce que chacun des membres de sa troupe a de meilleur et livre une œuvre, quasiment en huis-clos, plaisante et finaude. Belle chute.

La Chute des Héros (Time Limit) (1957) de Karl Malden

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