Open your eyes : Amenabar a décidément rien inventé reprenant le principe de départ (en moins bien, forcément) de cette magnifique et intelligente petite surprise signée Ranald MacDougall, plus connu pour ces scénars (The Unsuspected, Cleopatra, Possessed, Mildred Pierce...) que pour ses longs-métrages (cinq autres longs seulement qui n'ont pas franchement marqué l'histoire du cinéma...). L'histoire donc : un type explorant une mine reste bloqué pendant cinq jours, réussit à refaire surface à la force du poignet et alors qu'il s'attend aux vivats de la foule... tout le monde semble avoir déserté la surface du globe. MacDougall nous offre des vues de New-York sans âme qui vive absolument sublime et toute la première partie du film est un régal visuel. Harry Belafonte (le charisme, la belle gueule, la classe) a beau chercher dans tous les recoins de la Grosse Pomme : rien - pas même un ver ou un cadavre ce qui est encore plus impressionnant. L'arrivée d'un nuage de sodium (qui a fait péter la bombe, hein qui ?) a fait fuir la populace (où, d'ailleurs ?) et Harry doit bientôt se rendre à l'évidence : il semble bel et bien le dernier survivant de notre planète où les humains sont enfin parvenus à s'autodétruire, proprement.

Certains pèteraient une durite consumériste (à moi le rayon des dvd japonais à la FNAC des Halles), lui se contente de boîtes de conserve, d'autres pèteraient un plomb moralement (qui va lire mon blog ?) lui se contente de s'entourer de deux mannequins plutôt avenants. Harry ne baisse pas les bras, répare, s'équipe, s'occupe... Avouons quand même que le sourire idiot de ce mannequin aux allures de Ken finit par lui taper sur les nerfs et il le défenestre. Là, surprise, le cri d'une femme retentit - Nan, il n'est pas le seul dans ces rues new-yorkaises ! Adam et Eve again ? Nan le film est forcément un peu plus finaud.

Nos deux amis s'apprécient, se rendent les invitations mais leur amour (forcé, on se dit...) est loin d'être aussi évident. Pasque le Harry se sait de couleur, pasqu'une remarque de la donzelle (Inger Stevens is Sarah Crandall) le titille (elle s'est un jour définie comme étant "free" et "white"...), pasque le Harry se dit qu'elle a forcément des préjugés, pasque si l'occasion ne faisait pas le larron ils ne se seraient surement jamais intéressé l'un à l'autre, pasque... bref, il cogite sévère. Quand un troisième homme (Mel Ferrer, l'homme de cire... vivant) fait son apparition, Harry fait tout pour s'effacer devant ses deux camarades et pour laisser leur flirt s'épanouir. Mais pour Mel, l'ombre de Harry sur ses relations avec Inger planera toujours et le Mel, belliqueux, est loin, lui, de se satisfaire d'une telle situation (t'enlèves la compèt', un homme n'est plus un homme...). MacDougall construit intelligemment son récit et ce jusqu'au bout, avec une conclusion... borzagienne ? (pas mieux)

C'est, disais-je, esthétiquement sublime (ah les bons vieux effets spéciaux "invisibles"), souvent drôle (le Harry jouant avec son ombre chaplinesque démesurée, l'Inger faisant un "brin" de shopping - je crois que pour beaucoup de femmes, ce serait le paradis -, le tableau de Modigliani placé ingénument entre les deux hommes...), finement mené (la petite tension raciale qui finit par éclore mine de rien : comme si le Harry ne pouvait être dupe, même dans une situation aussi extrême - Michel Blanc (le nom ne s'invente pas) se serait poser moins de question : voir la scène de ce film mythique (...) dans un certain refuge ; toute la fin du film où Mel se trouve "en position dominatrice" sur le fait des immeubles vaut également son petit poids métaphorique), et enfin joliment "résolu". MacDougall filme cette fin du monde le plus souvent "à hauteur d'homme" et le sujet (apocalyptique) ne parvient jamais à écraser les personnages (terriblement humains). Un véritable petit bijou de la fin des fifties (de la S.F. intelligente... c'est rare) qui mériterait de réhabiliter MacDougall s'il savait écrire son prénom sans faute d'orthographe (on est bien d'accord, Ranald ça n'existe pas ?)

Le Monde, la Chair et le Diable (The World, the Flesh and the Devil) (1959) de Ranald MacDougall

Partager cet article