Je reste pour ma part dans les années 30 avec, cette fois, une œuvre muette tournée dans la région ukrainienne en pleine ère stalinienne. Œuvre de propagande ? Comment vous y allez, vous, avec vos gros sabots !... Disons simplement œuvre exaltant la culture du corps, et la sportivité... et la méchanceté jalouse, aussi, diable... Il est donc question ici d'un athlète qui se la pète et d'un petit jeunot qui rêverait de. Point. Kolomoytsev met en scène, pour narrer son histoire, trois couples : ledit athlète qui prend de haut sa femme, le petit jeunot qui fréquente une chtite qui n'a d'yeux que pour lui et la ravissante Vera, maquée, mais qui décide d'entrainer en secret notre jeunot - quitte à rendre jaloux (on sent bien que Vera et le chtiot partagent d'étranges secrets, disparaissant subitement à la moindre occase) leur partenaire respectif... L'athlète, d'ailleurs, parfait goujat, drague ouvertement l'amoureuse de notre jeunot dès qu'elle doute de la fidélité d'icelui. Bien voilà donc six personnages et presque autant de raisons de provoquer des tensions sentimentales. L'histoire, elle, demeure fluide et tourne autour d'une seule question : le jeunot parviendra-t-il a battre ce con d'athlète lors des sélections régionales du 1500 m ? Kolomoystev nous plonge à la fois dans le monde ouvrier (hommes et femmes travaillent sur le port) et le monde sportif (dès que le boulot, que l'on exécute forcément dans la bonne humeur (c'est ça d'être de gauche), est terminée, on prend ses crampons pour aller faire des tours de piste). Tout cela, me direz-vous, ne pourrait avoir qu'un intérêt limité si Kolomoytsev ne s'employait point à rendre son image lumineuse, son montage dynamique, ses personnages sexys (femmes comme hommes, ce slobard de maillot de bain russe, pour homme, pouvant facilement faire figure de précurseur du string), ses cadres (une petite préférence pour la contre plongée) astucieux, ces mouvements de caméra (rien de mieux qu'un bon vieux travelling latéral pour filmer nos coureurs à l'entraînement) classieux.

On se régale en effet durant la petite heure que dure ce récit, du plongeon initiale du chtiot sur le port (dont il est sauvé, ne sachant point nager, par une gorgeous naïade) à la course contre la montre finale pour que le chtiot, suite à un abandon de dernière minute, accède au stade où ont lieu les qualifs (un passage rocambolesque où notre gamin emploie tous les moyens de transport possible, notamment une poussette... - on connaît l'attachement des cinéastes russes pour les poussettes). Kolomoystev excelle à filmer ses personnages au gros plan (cette scène, eisensteinienne au possible, où un homme filmé plein cadre est rejoint par deux acolytes de chaque côté de l'écran), à rendre palpable la sensualité à l’œuvre entre ses différents personnages (l'Ukrainien(ne) aime le contact), à rendre compte de la force qui se dégage de ces corps en perpétuel mouvement. Même si ce sont des hommes qui sont mis à l'honneur en tant que sportifs "compétitant", ce sont bien les femmes qui semblent, par leur affection galvanisante tout comme leur prise d'initiative (l'entraîneuse de l'ombre), tirer les ficelles ; elles donnent au film tout son peps et son éclat, les hommes, apparaissant, chacun, finalement, un peu ballot (le sportif méprisant, le jeunot peu dégourdi, l'amant bêtement jaloux). Du bien bel art cinématographique vintage et un superbe finish.

Sunny Youth (Schastlivyy finish) (1934) de Pavel Kolomoytsev

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