Des fois on tente des premiers films et on en ressort tout émoustillé et puis des fois on s'engage dans des sortes de galère et on se voit ramer pendant des plombes en se demandant à quel moment on va atteindre la rive. Et là c’est le cas. Douze mille. C'est le titre. Une histoire d'amour fusionnel, passionnel dans un monde économique rugueux... Bon, au départ, on a deux personnes qui semblent s'aimer : ptite pipe, cunni, on a compris le schéma, l'amour sexuel, qui reflète celui sentimental, apparemment, est dense, nourri. Bien. Ils logent chez une vieille en viager, croit-on comprendre. Pour que cela soit viable il faut que chacun ramène 12 000 balles. Ok. Comme il a perdu son taff, il va ailleurs. Dès qu'il a la somme il reviendra. Pas avant. Mais pas après non plus, entendu que dès qu'il a douze mille il revient faire un cunni à sa douce. Le scénario est posé, notre homme se barre, se fait rembarrer de son premier taff (la réalité économique putain), danse devant les ouvriers pour se faire des clopinettes (la société du spectacle diable), trouve finalement un taff comme vigile (en tuant un gars ?) dont il fait profiter toutes les meufs du coin pour qu'elle vide des containers remplis de merdouilles. Lui, il prend sa gratte au passage. Il court deux dangers : la séduction des autres femmes (attention aux chants des sirènes), l'appât du gain (il se fait de la thune facile, faudrait pas qu'il soit trop gourmand). Dans les deux cas, sa priorité, qu'il s'en rappelle bien, le bougre, c'est quand même sa gonzesse à cet Ulysse des temps modernes qui se perd un peu en route... Tout un chemin de croix, il doit suivre, le gars, avant de pouvoir enfin entrer dans les rangs (la fin s'avérant en fait terriblement terre-à-terre après un départ plus... extravagant dirons-nous : nos deux individus en marge aspirant, semble-t-il, à être comme tout le monde). Bon. On regarde les différents épisodes d'un œil morne, notre héros, avec son étrange allure d'Augustin Trapenard du pauvre, se donnant, dansant, gouaillant, souriant pour creuser son trou... Il rame mais malheureusement nous avec... A l'image de ces diverses chorégraphies sans musique, on sent que cela s'agite sous nos yeux mais sans jamais décoller, que tout tourne à vide, tombe à plat. La zique de Rodolphe Burger tente bien de mettre un peu d'allant à la chose mais on reste comme tristement à distance de ce spectacle désincarné, répétitif, vain... Comme si Ulysse se barrait de chez lui pour ne vivre finalement aucune aventure... Le film, touché par une certaine originalité de ton, voudrait sans doute planer à douze mille mais reste au ras des pâquerettes.

Douze Mille (2020) de Nadège Trebal

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