Il y a des docs capables de vous arracher le cœur avec une petite cuillère en plastique. C'est le cas de cette œuvre de De Lauzanne qui, toute en sobriété au niveau du montage et sans coup d'éclat au niveau de la construction narrative, nous présente ce à quoi Christian et Marie-France Des Pallières ont consacré les vingt-cinq dernières années de leur vie. Après avoir passé une petite partie de leur temps à sillonner le monde en camping-car et en famille, nos deux retraités décident de s'installer au Cambodge. Découvrant la misère, les gamins des rues et les conditions ignobles de ces enfants tentant de glaner de quoi vivre dans les décharges, ils décident d'agir... Quand je dis qu'ils décident d'agir, ce n'est pas comme une institution française qui mettrait trente ans à réfléchir à la moindre initiative. Non, ils agissent vraiment, avec les moyens du bord. D'une simple paillote pour avoir un lieu pour donner à manger aux gamins, d'une simple petite infirmerie pour leur prodiguer des soins, ils parviendront une vingtaine d'années plus tard à monter une école accueillant 7000 enfants, de la primaire au bac et avec plus d'une trentaine de filières professionnelles. Un projet de malade pour sortir ces gamins de la misère, de la maltraitance, d'une mort prématurée... Oui, je sais, dis comme cela, cela fait tout de suite un peu too much, le sujet tire-larme par excellence que sanctionnerait de toute évidence Télérama avec leur TTT ou leur petit bonhomme heureux. Même si certains témoignages de gamins vous saigne à blanc (des témoignages de bambins en loques datant de l'époque des coups, brulures et autres viols (...) subis et des interviews faits vingt ans plus tard avec des jeunes gens éduqués, installés, travaillant), le ton général du doc reste résolument dans la pudeur : à l'image de notre bon vieux "papy" Christian qui évoque toutes ces années de taff avec une grande humilité (seul petit problème au demeurant, il est difficile pour sa femme d'en placer une... oui, bon), on se contente le plus souvent de simplement rappeler l'incroyable entreprise de ce deux "bienfaiteurs" (soutenus par des centaines de parrains sans lesquels etc etc) qui, partis de rien, ont fait passé ces enfants des ordures à une vie digne au quotidien. Rien de plus, rien de moins.

Des images d'archives (les gamins à l'assaut des déchets – ne manque que l’odeur), des interviews récentes de nos deux bonnes gens (ce bon Christian va malheureusement mourir peu de temps après, à l'âge de 82 ans - il mérite sa béatification, catholique ou non), des retrouvailles avec des gamins sauvés du marasme, De Lauzanne à l’aide d’une petite musique aux allures de ritournelle n'a pas besoin de sortir l'artillerie lourde pour rendre son doc émouvant et exemplaire (l'école restant géré entièrement par des locaux, les Des Pallières sachant parfaitement s'effacer au profit des autochtones pour le bon déroulement et la bonne intelligence du projet). Oui, certes, les plus cyniques pourraient faire remarquer qu'il n'y a pas d'angles "critiques" portés sur la chose - ouais, certes. Il n'en reste pas moins que l'on reste baba devant ces deux petits vieux qui ont gardé l'éternelle jeunesse de l'empathie et de l'amour envers leur prochain – par pur humanisme, sans rechercher la gloire ou le moindre profit matériel. Remuant and inspiring, comme ils disent.

Les Pépites (2016) de Xavier de Lauzanne

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