Un film de sirène, again, est-ce vraiment utile ? Eh bien oui, et ce pour plusieurs raisons : un noir et blanc lumineux, un Dennis Hopper de 25 ans beau comme un camion, une troublante actrice, Linda Lawson, un manège, une fête foraine, une cartomancienne, Santa Monica... Autant dire qu'on rentre comme dans du beurre dans cette histoire qui commence comme une simple romance : Hopper, dans une tenue blanche immaculée de matelot, pure comme un linceul, entre dans un bar, croise le regard d'une divine brune, la raccompagne gentiment chez elle, lui file un rencard pour le lendemain... Un déjeuner sympa sur le balcon de la belle : au programme, maquereau et mouette (attirée par le maquereau…). Et l'amourette peut suivre son cours sur le bord d'une plage : ils sont jeunes, ils irradient, l'avenir est à eux. Oui mais bon, elle travaille comme sirène, une attraction un peu galvaudée sur ce bord de mer, non ? Non, pas forcément. Bon, on a quand même retrouvé ses deux anciens compagnons morts, noyés, sur la plage. Bon, là je dis pas, il faut que le Dennis se méfie. D'autant qu'elle a quand même l'air plutôt nerveux cette jeune femme "découverte" en loques sur une île grecque par un vieux loup de mer... M'étonnerait qu'à moitié qu'elle soit une véritable sirène, ça s'est déjà vu.

Il faut reconnaître qu'on a notre petit lot de satisfactions dans cette œuvre de Harrington (?!) joliment troussée : une belle photo, des seconds rôles épais (un vieux capitaine alcoolo, une vieille cartomancienne chelou, une vieille femme toute de noir vêtue qui fait de curieuses apparitions, une jeune femme qui n'a d'yeux que pour Dennis...) et notre couple-phare éblouissant de beauté ; Hopper est aux petits soins pour sa sirène qui fait tout de même de curieuses crises de somnambulisme et qu'il doit... repêcher (c'est bien le terme) en bord de mer, en pleine transe, en pleine dépression. On sent un peu venir de loin le coup où elle va l'inviter à une petite plongée (putain, le con, il accepte) pour se débarrasser de cet amant un peu trop terre-à-terre... Mais attention, le scénario est peut-être plus retors que prévu... Retors, il sera, mais cette fin, définitivement en queue de poisson (en laissant pas mal d'éléments en suspend) reste malgré tout décevante - on plonge plus dans le polar sordide que dans l'horreur (qui reste fantasmatique pour le coup) et on eut préféré rester dans un certain romantisme-fantastique qui seyait jusque-là assez bien à cette histoire ; la conclusion choisie par Harrington casse un peu le charme et fait rentrer cette œuvre relativement originale dans des sentiers un peu battus. C'est dommage, mais il n'en demeure pas moins qu'on passe un excellent moment en compagnie de Hopper et de sa sirène avant que les cieux s'obscurcissent pour eux deux ; plus Hopper est accroché à sa sirène, plus il est mis en garde sur les dangers qu'il court ; nonobstant il garde foi en sa douce contre vents et marées (forcément) - et c'est tout à son honneur, l'amour n'est pas du menu fretin... Belle petite découverte malgré un final un peu tordu qui laisse une certaine amertume en bouche.

Marée nocturne (Night Tide) (1961) de Curtis Harrington

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