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18 décembre 2023

LIVRE : A la Recherche du Temps perdu IV - Sodome et Gomorrhe de Marcel Proust - 1922

"Nous désirons passionnément qu'il y ait une autre vie où nous serions pareils à ce que nous sommes ici-bas. Mais nous ne réfléchissons pas que, même sans attendre cette autre vie, dans celle-ci, au bout de quelques années nous sommes infidèles à ce que nous avons été, à ce que nous voulions rester immortellement."

61J-vaTEzVLEt c'est reparti avec le petit Marcel, on va l'achever cette Recherche, avant même la fin de l'année, c'est moi qui vous le dis (prenant actuellement autant le train que le narrateur, j'ai de bonnes plages - de lecture). Tout commence de façon surprenante, pour ne pas dire ex abrupto, avec le gars Charlus qui se farcit Junien quasiment sous l’œil, quelque peu interloqué (...) de notre bon narrateur. Cela ouvre en quelque sorte les festivités, puisque d'homosexualité, il sera ici longuement question : qu'il s'agisse de la liaison, secret de polichinelle que seul le premier concerné pense pouvoir audacieusement dissimuler, entre Charlus et le violoniste Morel, ou de la suspicion du narrateur envers les liaisons saphiques d'Albertine, le sujet sera copieusement débattu et évoqué en ces pages - la coterie des "invertis" est à l'honneur, un monde secret, caché, qui sera de façon récurrente souvent mis en parallèle avec la solidarité existante entre juifs. Une façon d'exorciser des fantômes pour Proust ? Le débat est vaste... De fantômes, il en sera souvent question ici d'ailleurs puisque le narrateur semble s'en être fait une spécialité :" "Ils me rappelaient que mon sort était de ne poursuivre que des fantômes, des êtres dont la réalité pour une bonne part était dans mon imagination ; il y a des êtres en effet - et ç'avait été dès la jeunesse mon cas - pour qui tout ce qui a une valeur fixe, constatable par d'autres, la fortune, le succès, les hautes situations, ne comptent pas ; ce qu'il leur faut, ce sont des fantômes. Ils y sacrifient tout le reste, mettent tout en œuvre, font tout servir à rencontrer tel fantôme." Fantasmes amoureux, fantasmes de papier, à la recherche perpétuelle d'amours déceptives, à la recherche (littéraire) de souvenirs évanouis, de femmes perdues, seule la quête est belle, comme disait l'autre - la réalité, la finalité toute autre. On plaint un peu notre homme narrateur qui se projette presque plus dans les amours contrariées de Charlus que dans ses propres frasques albertineuses qui tournent plus souvent qu'à leur tour à la déconfiture... Il est dur, je trouve, notre narrateur, avec cette gentille Albertine, qu'il surveille comme un loup, dont il est jaloux comme une teigne, et qu'il se révèle à l'usure incapable d'aimer. Plus il se sent bien à ses côtés, moins il veut l'admettre, plus il est jaloux d'elle et se "l'attache" égoïstement, plus il souffre - et la contraint. Le fait d'imaginer Albertine avoir des relations avec d'autres femmes le met plus bas que terre et l'on sent que notre pauvre narrateur est bien parti, avec ses propres armes auto-destructrices, à boire le calice jusqu'à la lie - "Moi qui ne m'étais jusqu'ici jamais éveillé sans sourire aux choses les plus humbles, au bol de café au lait, au bruit de la pluie, au tonnerre du vent, je sentis que le jour qui allait se lever dans un instant, et tous les jours qui viendraient ensuite ne m'apporteraient plus jamais l'espérance d'un bonheur inconnu, mais le prolongement de mon martyre. Je tenais encore à la vie ; je savais que je n'avais plus rien que de cruel à en attendre." Bienvenue parmi nous.

Mais ce petit tome (mais oui, on s'en fait une montagne, cela se lit d'une traite eheh) est aussi l'occasion pour s'égayer un peu devant le petit jeu de massacre envers nos amis les nobles (voilà d'ailleurs sans doute ma petite vacherie préférée, parmi tant d'autres :"On ne peut pas dire qu'elle fut bête : elle débordait d'une intelligence que je sentais m'être entièrement inutile".), les feux des rencontres mondaines n'ayant plus l'attrait des débuts aux yeux de notre petit narrateur décidément dessalé et plus caustique que jamais. Les réceptions chez la Duchesse de Guermantes en font les frais et notre Marcel, de retour à Balbec de se réfugier une nouvelle fois chez les Verdurin, ces bons vieux bourgeois qui ne sont pas pour autant exempts de tout reproche et de toute critique... Aaaah Balbec, plaisir de retrouver Balbec, même si l'humeur du narrateur est loin de battre son plein. Dès le départ, le souvenir de sa grand-mère, de sa mort, l'abat (de bien belles pages toutes moroses) et l'on sent bien que l'éclat du temps d'avant, l'éclat de ces jeunes filles en fleur qui défilaient sur la plage, cette fougue des découvertes et des espoirs de sa jeunesse, a quelque peu terni. On sent notre narrateur "sur la pente" (descendante - à quoi bon tout cela...) même s'il prend encore quelques plaisirs à écouter l'érudit Brichot (grande leçon sur l'origine des noms de lieu - si si j'admets) et qu'il ne se montre pas toujours totalement réfractaires aux petites douceurs prodiguées par Albertine. Mais le soufflet retombe vite, trop vite, le début de La Prisonnière (tout juste attaquée) nous confirmant que l'entrain amoureux du narrateur déraille décidément au moindre petit coup de vent, à la moindre petite contrariété... Allez, je suis relancé, on ira au fond du Proust, ensemble.

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