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23 janvier 2024

LIVRE : A la Recherche du Temps perdu VI - Albertine disparue de Marcel Proust - 1925

"Que le jour est lent à mourir par ces soirs démesurés de l'été."

71M9EHzRBoLAlbertine a disparu et (attention, oui, spoiler, même si je sais que la plupart d'entre vous ont lu les sept tomes plusieurs fois), Albertine disparaît définitivement lors d'un accident de cheval aussi triste que dans Autant en emporte le Vent (chacun ses références...). Alors même que notre narrateur, pris de court par le départ de sa douce à la fin du précédent tome, mettait en place toutes sortes de stratagèmes pour tenter de la faire revenir (ses sentiments envers elle ont beau être... troubles, ses petits baisers pré-nuités quotidiens ne pouvaient que forcément finir par lui manquer), il apprend la nouvelle terrible, tranchante comme une serpe... S'en suit forcément une longue période de doute, alimentée aussi bien par sa curiosité insatiable et maladive - et destructrice (alors, la petite Albertine, était-elle ou non si coquine...), que par une douce mélancolie... Enfin, dira-t-on, le narrateur donne l'impression de l'avoir aimée, d'avoir été touché par elle, aussi bien d'un point de vue érotique (Je ne résiste pas à citer ces quelques lignes d'une sensualité prégnante : "Je revoyais Albertine s'asseyant à son pianola, rose sous ses cheveux noirs ; je sentais, sur mes lèvres, qu'elle essayait d'écarter, sa langue, sa langue maternelle, incomestible, nourricière et sainte, dont la flamme et la rosée secrète faisaient que, même quand Albertine la faisait seulement glisser à la surface de mon cou, de mon ventre, ces caresses superficielles mais en quelque sorte faites par l'intérieur de sa chair, extériorisée comme une étoffe qui montrerait sa doublure, prenaient, même dans les attouchements les plus externes, comme la mystérieuse douceur d'une pénétration".) que d'un point de vue purement sentimental (Albertine s'avère proprement irremplaçable par certains de ses talents, tout de même). Notre ami en profite pour revenir sur ce petit concept qui fait de nous des êtres constitués de couches multiples, de personnalités qui ne cessent de prendre place en nous tour à tour, tentant ainsi de définir toute la complexité de leur relation, d'une relation (l'alter ego se révélant tout autant un être changeant, mutant) : "Ce n'était pas Albertine seule qui n'était qu'une succession de moments, c'était aussi moi-même. Mon amour pour elle n'était pas simple : à la curiosité de l'inconnu s'était ajouté un désir sensuel, et à un sentiment d'une douceur presque familiale, tantôt l'indifférence, tantôt une furieuse jalousie. Je n'étais pas un seul homme, mais le défilé heure par heure d'une armée composite où il y avait selon le moment des passionnés, des indifférents, des jaloux - des jaloux dont pas un n'était jaloux de la même femme." Une perte qui tourne à l'obsession (le narrateur aime à ressasser le passé, ces temps perdus, ce passé perdu ? Pensez-vous...) et que seul l'oubli peut sauver... L'oubli, cela tombe bien va finir par faire son apparition, la rencontre avec Gilberte sonnant en quelque sorte le glas de cette relation albertinesque... Une rencontre, qui sera d'ailleurs l'occasion pour notre narrateur de faire de chafouins parallèles entre justement son détachement progressif (par le passé) de Gilberte et l'opération similaire qui s'opère alors avec Albertine. Avec le temps, va, tout s'en va...

Et notre narrateur, comme débarrassé de ces oripeaux sentimentaux (concrètement et psychologiquement) de se permettre (enfin !) ce petit voyage tant attendu car éternellement repoussé à Venise - avec sa mère ! L'occasion pour notre ami de fouler enfin ces petites ruelles au goût de sel et d'admirer quelques chef-d’œuvre du cru (quelques bien belles pages à nouveau sur des œuvres d'art) et quelques petites gourgandines des rues - insatiable, le bougre, insatiable... Des désirs qui refont surface en terre vénitienne et qui finiraient presque par lui faire oublier sa mère (!!!). Petit narrateur a grandi et semble dorénavant être sur le chemin de l'émancipation totale... De Venise, malgré tout, il en reviendra, pour retrouver des anciens compères (Gilberte et Saint-Loup) dont le mariage surprise apportera par la suite son lot de... surprises (Saint-Loup, dont les tendances le rapproche inexorablement du royaume de Sodome - c'est une sorte d'atavisme dans cette famille ; et Gilberte, de plus en plus proche du narrateur... qui s'en bat désormais totalement le coquillard). Un narrateur un brin déboussolé qui va même finir par ne plus trop faire de distinguo entre Guermantes et Méseglise - c'est la fin des haricots... Mais plus de temps à perdre, puisqu'on attaque justement le dernier tome au titre plus qu'évocateur. Et le bonheur, dans tout cela, va-t-on un jour le trouver ?

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