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18 décembre 2023

La Mauvaise Graine (The Bad Seed) de Mervyn LeRoy - 1956

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Certains cinéastes étaient tout de même doués de pas mal de cojones fut un temps, et pouvaient de temps en temps proposer des films d'un courage extravagant. Mervyn LeRoy semble être de ceux-là : quand on découvre The Bad Seed, on ne peut qu'être bluffé par l'audace du sujet, qui ferait mal même aujourd'hui. Le film a 70 ans, et on est scié que quelqu'un (en l’occurrence le scénariste, John Lee Mahin) ait pu avoir à cette époque le courage d'écrire ça. Il y est en effet question d'un grand tabou : les enfants psychopathes. Avant Le Village des Damnés, La Malédiction ou L'Exorciste, LeRoy s'empare du symbole de la pureté et de l'innocence, une fillette blonde et bien élevée, et en fait un nid de psychoses et de monstruosité. Mais lui est loin du film de genre : c'est avec réalisme et psychologie qu'il décrit cette erreur de la nature que constitue la petite Rhoda. Celle-ci vit au sein d'une famille aimante, constituée de la mère Christine (génialissime Nancy Kelly) et du père militaire souvent absent. Voisine aimante, grand-père célèbre, résultats scolaires parfaits, tout va bien. Mais à l'occasion d'une médaille du mérite ratée, tout va vriller dans le quotidien tout rose de ces petites vies.

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Ce qui est d'abord très fort, c'est que LeRoy détourne notre attention de ce qui va arriver. On croit dans un premier temps que le danger va venir de cet homme-à-tout-faire assez louche, qui pose sur la mère et la fillette un regard quelque peu concupiscent. Le personnage, très fort et campé par un acteur excellent, aura son importance, mais la foudre tombera ailleurs : sur cette gamine qui va s'avérer être hermétique à la morale et à la vie des gens, tant qu'elle obtient ce qu'elle veut, aussi dérisoire que ça paraisse. Sous les yeux de plus en plus terrifiés de sa mère, elle va plonger dans une spirale de violence qu'auront bien du mal à cacher ses petits airs d'angelot (gros défaut du film : le jeu de la petite Patty McCormack). Passionnant de voir cette mère s'enfoncer de plus en plus dans l'horrible vérité, et de constater comment elle fait pour s'en sortir. Il y a là quelques scènes splendides, la rencontre avec son père pour traquer une généalogie qui pourrait justifier la monstruosité de sa fille, une confrontation avec celle-ci où elle se rend enfin compte de l'étendue de la perversion de la gamine, la découverte d'une médaille dans les affaires de la gosse mise en scène avec un art hyper subtil, la sublime décision qu'elle prend pour résoudre ses problèmes. C'est à la fois du mélo et du thriller, avec une pointe de freudisme alors très à la mode. D'ailleurs, le film va parfois à l'encontre du bon maître, en suggérant que le mal vient forcément d'une mauvaise éducation, donc de la plèbe : oui, c'est de droite, mais la scène est suffisamment bluffante de candeur pour passer toute seule.

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En tout cas, le truc vous a une frontalité de chaque instant, et va très très loin dans le portrait de cette gamine tordue et sadique. Tout se passe dans le regard de sa mère, campée par une comédienne exemplaire, qui sait utiliser à merveille son visage fatigué, l'abandon progressif de son corps, sa voix éraillée de fumeuse. Malgré une toute fin un peu ridicule, qui essaye à tout prix d'excuser ce qu'on vient de nous montrer pendant 2 heures (la méchante punie façon Don Juan, et un post-générique tout cucul pour désamorcer la violence), on ne peut qu'être sidéré par la frontalité et la prise de risques de ce film. Excellent.

Sans titre

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