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13 janvier 2023

LIVRE : Le Cirque (Cirkus) de Jonas Karlsson - 2017

a8c11420bde66f6a830f71ac356feb16aea498fbba61ab016cd1e38355a3bd89J'aime bien, moi, les petits livres modestes de Jonas Karlsson, qui n'est peut-être pas le plus grand audacieux qui soit au niveau de l'écriture, mais qui parvient toujours à vous trousser des histoires astucieuses capables de vous amener sans qu'on y prenne garde loin dans le concept. Une pièce de repos qui n'existe pas, une facture pour la vie qu'on a passée : le gars côtoie un absurde étrange, légèrement flippant, qu'on pourrait rapprocher d'un Topor ou d'un Kafka. Cette fois, c'est un cirque qui constitue le fond du malaise. Lors d'un numéro de magicien, Magnus, un ami d'enfance du narrateur, disparaît corps et bien devant les yeux pantois de celui-ci. Disparition définitive, qui va permettre à notre narrateur de se retourner sur sa vie : qu'est-ce qui a pu arriver dans son passé pour que son ami s'évapore ainsi ? Menant en même temps une enquête factuelle et une enquête plus introspective, le héros va se découvrir lui-même ; la conclusion du livre, habile et assez vertigineuse, viendra ajouter une touche de métaphysique et de philosophe à cette histoire drolatique et inquiétante. Comme dans ses contes précédents, Karlsson possède le talent de transformer ses concepts farfelus, qui auraient tenu le temps d'une nouvelle chez un Buzzati par exemple, en un roman captivant, très bien tenu, qui se lit avec une facilité déconcertante. L'écriture est pourtant froide, blanche, et le personnage qui nous raconte cette histoire semble presque privé d'affect, d'émotion. Il constate et fouille dans sa vie pour comprendre, avec une pointe d'anxiété certes mais sans paniquer, méthodiquement. Son côté autiste se traduit dans la compulsion maladive des disques qu'il possède et qu'il range toute la journée dans des ordres qui n'appartiennent qu'à lui et à sa logique déviante. C'est d’ailleurs par ce biais qu'il parviendra à la vérité, autre belle idée du livre : l'échange de coups de fil anonymes et "silencieux" qu'il va peu à peu développer avec ce qu'il estime être son ami disparu se fait par le biais de musique de rock et de pop censées exprimer leurs sentiments, comme si ces deux-là, ayant vécu leur vie ensemble, n'arrivait plus à s'exprimer que de cette façon. C'est vrai que le roman n'est pas complètement parfait, soufrant d'un ventre mou aux deux tiers, ou développant des sous-trames pas toutes utiles à la narration. Mais Karlsson arrive à tenir son petit ton mi-figue mi-raisin jusqu'au bout, et ne fuit pas devant la difficulté : sa trame barrée, idéale pour se laisser aller à la rêverie, est tenue dans le concret, et il parvient même à lui donner une conclusion "logique". Petite récréation saine pour l'esprit, et gentiment remuante pour le cœur.

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