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13 janvier 2023

La Belle et la Bête (Panna a netvor) (1978) de Juraj Herz

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Voilà une version tchèque du conte pour le moins inspirée (Herz, pas un cinéaste d'emprunt décidément) aussi bien au niveau de cette atmosphère, sombre, gothique, grisâtre à souhait que de ces deux personnages principaux qui sortent un peu des clichés battus... Dès le départ, on est confronté à ce brouillard, à cet univers glauque, à cette violence : des troupes de marchandises (en route pour le mariage des deux sœurs de la Belle) s'égarent dans la cambrousse et finissent dans une impasse ; ces carrioles ne sont pas loin de la demeure hantée de la Bète et cette dernière ne va pas tarder à faire parler la poudre : buissons qui s'embrasent, hommes de troupes décimés, le ton est donné... Le père de la Belle viendra bien sûr s'égarer à son tour dans ce château, sera confronté à la Bête et devra lui promettre de revenir alors même qu'il rentre chez lui les bras chargés de bijoux. Mais c'est la Belle qui se sacrifie et qui se rendra à sa place dans ce château décati où tout tombe en ruines et du ciel (c'est joli ces goules perchés dans les lustres ou ce lit à baldaquin qui s'abat sur la Belle comme un cercueil provisoire). La Bête n'a plus que la tuer, la déchiqueter mais elle hésite - pas si bête, la Bête. La Belle devrait faire la tronche, se plaindre, jouer les vierges effarouchées mais que nenni - pas si sotte, la Belle... Nos deux solitaires vont se tourner autour, errer dans ce château à l'agonie, tout en cherchant à faire plus ample connaissance - et plus si affinité ? Ne vendons pas la peau de la bête...

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Dès le départ, on aime à se perdre dans cette forêt noire semi-détruite, dans cette campagne triste comme un pin sans pomme, dans ce château brinquebalant où les fontaines sont des mares purulentes, et les murs des ruines pleines de cachet... La Belle erre pendant que la Bête, dans cet étrange costume franguesque d'oiseau aux pattes fourchues, l'observe. On aime ce combat qui a lieu dans cette Bête, entre la voix qui prône la destruction de sa proie et celle en faveur de la simple observation, on aime cette attente patiente de la Belle, entre curiosité perverse et compassion... Si les autres personnages sont des pantins ridicules (les deux sœurs vénales, leur deux futurs maris de vrais beaufs), notre Belle et notre Bête sont beaucoup plus nuancés, humains en un sens : lui torturé entre ses envies de violence (pas de pitié pour les faon lors d'une scène au bord d'un lac de toute beauté - mais saignante) et la voie de la rédemption, elle entre ses airs d'ingénue et sa compassion sincère... Herz, sans trop avoir besoin de temps forts,  nous mène par la main dans cette version très sombre du conte en apparence mais où la "magie" des deux personnages principaux opère ; à l'exception sans doute de cette imagerie rêvée du couple (les seventies, au secours l'esthétisme romantique...), une œuvre au noir où l'atmosphère plombante s'allège au fil des bobines. Walt Disney se prend un pieu dans cœur (ah cette musique d'orgues, c'est pas la chansonnette à con en l'honneur de Gaston) et on savoure cette obscure étrangeté.

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