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25 août 2012

LIVRE : Au Plafond d'Eric Chevillard - 1997

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Un livre encore une fois renversant du grand Eric Chevillard, mais cette fois-ci dans le sens strict du terme : il est question dans ce roman d'un gars qui renverse toutes les valeurs établies. Alors qu'il cherche à se faire discret, il se plante une chaise renversée sur la tête et en fait son combat principal ; alors qu'il cherche un abri, il trouve refuge dans des préfabriqués peuplés de freaks (une femme qui retient ses 6 enfants dans son ventre, un ex-grutier privé de sa machine mais qui a gardé les gestes de son activité, deux handicapés beckettiens, ce genre-là, quoi) ; et alors qu'il en est chassé, il finit par s'établir au plafond d'un riche appartement, vivant désormais la tête en bas dans ce nouveau territoire vierge. Comme on le voit, on est assez loin d'Emile Zola dans cette fable déjantée et hilarante, qu'on imagine allégorique sa mère mais qui préfère pudiquement se déguiser en farce innocente pour mieux cacher sa gravité. On voit bien que le vrai sujet, c'est l'inadaptation, encore une fois, l'impossibilité de se fondre dans la masse malgré l'envie, associabilité qui débouche ici sur un vrai manifeste pour la différence : la chaise renversée sur la tête du gars, puis son choix de vivre au plafond dans une vision inversée du monde, sont de vrais combats politiques pour le droit à la différence, en même temps qu'ils sont la marque d'un retrait définitif et absurde du monde. Sujet douloureux, dépressif même, de la part d'un Chevillard qui, déjà il y a 20 ans, était cet écrivain malheureux, torturé, qui travaille sans cesse sur l'impuissance, sur l'incapacité (à écrire, à faire partie du monde) ; mais sujet qui passe dans un éclat de rire permanent : on retrouve ici les phrases absolument renversantes de Chevillard, cette façon sidérante d'attaquer toujours par l'angle le plus fou, le plus improbable qui soit. Ses phrases sont des circonvolutions infernales, des acrobaties verbales qui retombent sur leurs pieds miraculeusement ; bref : c'est poilant, même si la rythmique endiablée des 100 premières pages s'essouffle un peu sur la dernière partie. Avant ça, on aura eu mille fois l'occasion de siffler entre ses dents d'admiration pour cette profusion de formules parfaites, et cette façon de choisir la trame la plus impossible ("tiens, je vais raconter l'histoire d'un type qui vit avec une chaise sur la tête") et de s'y tenir jusqu'à la dernière page. Un grand bonheur, comme toujours, en attendant fébrilement le nouveau Chevillard qui ne saurait tarder.

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