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15 mars 2023

LIVRE : La Chambre à Brouillard d'Eric Chevillard - 2023

cd345008c4ad4f39e32513c2c98a3571ec7392e45fd681b720382e62b8f169fbChevillard finira-t-il par m'achever et me détourner définitivement de ses livres ? On ne l'aurait pas parié aux temps où je découvrais Du Hérisson ou Le vaillant petit tailleur, mais nous en sommes là : ses productions récentes me déçoivent de plus en plus, et on sent ici plus que jamais que son système en est devenu un, justement, et qu'il commence sérieusement à accuser de l'usure aux coudes. C'était le danger : jongler ainsi avec les concepts et parvenir à être toujours génial et drôle, ça tenait du miracle. Le miracle n'était qu'un pauvre tour de passe-passe. Ou notre gars est salement déprimé, allez savoir. En tout cas voilà : un scientifique un peu douteux, paranoïaque et mythomane de toute évidence, se voit confier un "sujet", dont on ne saura jamais s'il s'agit d'un animal, d'un humain, d'une abstraction, d'une chimère, ou d'autre chose. Il l'enferme dans sa cave et se livre à une étude approfondie de la chose, relevant façon "Enfant Sauvage" les progrès (inexistants) et les échecs (multiples) de son éducation. Nouvelle proposition chevillardienne, qui aurait il y a 15 ans donné des merveilles. Mais le Chevillard 2023 ne sait plus que tourner en rond et user, c'est bien triste, d'une prose de petit malin très fatigante. Dans ses efforts pour éviter de nommer clairement la "chose", il ruse de circonvolutions grammaticales et d'images improbables, et au bout de quelques pages seulement, on en a plus que marre, avides de fond, terrassés par la forme trop présente. Un exercice de style, mais qui cette fois n'est au service de rien : quand enfin, à la dernière page, on comprend enfin de quoi le narrateur avait la garde (et je reconnais : c'est une surprise), c'est trop tard. On est depuis bien longtemps complètement noyé sous les formules et les saillies drolatiques de l'auteur, enseveli sous son savoir-faire qui est devenu froid et mécanique. Alors oui, parfois il reste des traces de l'auteur renversant qu'il fut, de temps en temps une formule fait mouche, une phrase vous renverse par sa construction et sa pertinence, par sa drôlerie et son absurdité, de temps en temps il retrouve un peu de cet humour froid et dingue qu'il a piqué chez Beckett. Tout n'est pas à jeter, bien sûr, et quand il oublie de jongler avec ses balles de couleurs pour l'ébaubissement des spectateurs, il sait encore transformer quelques-unes de ses situations loufoques en obus, faire de la métaphysique en se marrant. Mais quand on repense à Palafox, roman dont celui-ci est assez proche, on mesure l'ampleur de la perte d'inspiration que subit Chevillard, qui ne sait plus que brandir une idée, la triturer jusqu'à la folie, et la laisser exsangue au bout de 200 pages sans qu'on n'en ait rien tiré de fort. Gros ratage...

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