LIVRE : Craintif des Falaises d'Eric Chevillard
Ni jamais tout à fait le même, ni tout à fait différent, Chevillard enchaîne tranquillement les livres dans l'indifférence générale. Ce nouvel opus n'ajoute rien à sa gloire, n'enlève rien non plus à son prestige. On peut trouver que ce livre-là est un peu inutile dans l’œuvre du sieur, on peut aussi apprécier une nouvelle fois cette façon de jongler avec les mots et les concepts. Mais disons que la singularité de cet auteur finit à force par devenir une convention. Et que Craintif des Falaises, à force de vouloir une fois encore jouer sur un sujet inédit, finit par n'être qu'un exercice de style assez vain, chose que Chevillard avait toujours évité dans ses premiers livres, et qui commence à apparaître de plus en plus souvent aujourd'hui. Bon. Le sujet du jour : le vertige, mal dont souffre l'auteur. Le voilà donc parti pour une série de variations autour de ce thème, dans une surenchère d'effets poético-absurdes qui part vraiment assez loin. Appuyé par les dessins "toporiens" de Killoffer, le texte joue avec les notions de verticalité et de vide, relate telle petite anecdote relative à l'acrophobie de l'auteur, fait de petits tours dans Vertigo d'Hitchcock ou Bouvard et Pécuchet de Flaubert, s'amuse avec les mots et les idées... et se montre assez vide au final. Certes, on se sera amusé à regarder ce style se déployer, fasciné comme toujours par la langue chevillardienne, par son imagination, par sa capacité à pousser très loin les idées et les concepts. Mais au service de quoi ? La mécanique tourne ici en rond, notre auteur a l'air de ne plus savoir quoi faire de son intelligence formelle, et la met au service d'un livre oubliable, inutile. On se rappelle des grands romans du sieur et on soupire devant la vacuité de celui-ci, qui n'est plus qu'un jeu un peu inquiétant de folie avec le style français, qu'un éreintement de la langue, qu'un gâchis de compétences. On attendra donc le prochain roman de Chevillard et on oubliera ce travail un peu vain.