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12 janvier 2011

Taking Off de Milos Forman - 1971

article_3108_STRGUI_MilosFormanLe premier film américain de Forman est quelque peu oublié, et franchement c'est dommage, car il est parfaitement rigolo. Non pas que ce soit un film fondamental, reconnaissons-le, mais sur le sujet (le flower-power), c'est sûrement un des plus nuancés et des plus osés de l'époque. Formellement, c'est assez bancal, le montage se voudrait virtuose mais ne mène à rien. On suit en parallèle deux "trames" : d'un coté les auditions d'un concours de chant, défilé drolatique de donzelles qui brocarde gentiment la niaiserie sentimentale des chansons "engagées" des 70's, Joan Baez en tête. On y voit des visages de jeunes filles, aussi éclectiques que possible, y anôner des bêtises sur un air très inspiré (genre "même les chevaux ont des ailes" ou "fuck the fishes, fuck the cats, but first fuck me", genre...). Cette partie renoue avec un l'humour sévèrement caustique des films tchèques de Forman, qui utilisaient déjà cette jeunesse féminine un peu concon pour brocarder les espoirs miteux de la génération flower-power. A la fois manipulées et désireuses de l'être, niaises et pas si dupes (elle sont pour la plupart complètement pétées aux amphètes durant toutes les auditions, et savent très bien qu'elles n'ont pas vraiment de talent), elles sont filmées par Forman à l'inverse de ses collègues de l'époque, et à l'inverse aussi de ce qu'il fera dans Hair : pitoyables, assez nulles, mais en même temps tendrement regardées.

41655_original_fhwmyL'autre partie du film, ce sont les aventures d'un couple de bourgeois dont l'adolescente a fugué. Leurs recherches vont les mener eux-mêmes aux frontières de l'expérience psychédélique, et vont leur donner l'occasion de pénétrer à leur tour dans l'univers hippie de la génération suivante. Les deux acteurs sont très drôles, et les situations inventées par Forman ne manquent pas de culot. Le grand moment de bravoure, c'est bien sûr la séquence où, pour mieux éprouver ce que peut ressentir leur fille, ils se livrent à une séance de fumage de joint dûment dirigée par un junkie hilare. On y apprend tout simplement comment fumer un bon pétard dans les règles de l'art, et l'effet de la fumette sur ces bourgeois fardés et ébahis n'est pas sans rappeler les jeux de massacre orchestrés par un Buñuel (Jean-Claude Carrière est d'ailleurs co-scénariste de la chose). La scène se concluera par une partie de strip-poker qui réunira enfin les deux parties du film, et donc les deux générations. Forman, c'est tout à son honneur, renvoie dos à dos la jeunesse superficielle et faussement politisée et les adultes coincés, refusant d'accorder un satisfecit à l'un ou à l'autre parti : le mouvement hippie est tout aussi discutable que les gens qui le fustigent, 1 partout. Cette nuance tranche parfaitement avec le manichéisme d'autres films sur le sujet (Alice's Restaurant ou The Wall par exemple).

2936848913_1_5C'est vrai que, dans le mélange des deux parties, Forman se montre moins habile. Il voudrait jongler sans transition entre les deux espaces, les deux inspirations, les deux trames, et finit par produire quelques scènes assez illisibles, et ce montage n'est pour tout dire pas très signifiant. A part l'effet de hiatus plutôt agréable, on a du mal à voir le rapport concret entre ces scènes presque documentaires de l'audition et celles assez théâtrales de la recherche de la fugueuse. Quelques effets de mise en scène ont également pris un coup de vieux (franchement, le zoom rapide, à part chez Visconti et Leone, c'est un effet malaisé), et ce n'est pas du côté de la mise en scène qu'il faut chercher la qualité de Taking Off. Côté regard sur l'époque et finesse, par contre, un bien beau moment.

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