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16 juillet 2006

The Thing de John Carpenter - 1982

782Encore un bon vieux classique que je revois toujours avec bonheur. Je ne crierai jamais assez que Carpenter est un des plus grands cinéastes du monde, qui a choisi l'âpre voie du film fantastique pour développer son univers on ne peut plus personnel, à cheval sur la politique (They Live) et la poésie (Starman), la réflexion esthétique (In the Mouth of Madness) et le pur divertissement (Halloween).

The Thing, quintessence en quelque sorte du cinéma carpenterien, tient à la fois de tous ces genres:
- Poétique, il l'est, grâce à ces créatures impressionnantes, inspirées à coup sûr à la fois des fresques du Moyen-Age (on reconnait Jerome Bosch) et des peintres surréalistes (le chien qui s'ouvre comme une fleur), de Lovecraft et des délires de Burroughs. Dans ce bestiaire infernal, on reconnaît le goût du gars John pour les êtres mutants, avec une mention particulière855 pour ce monstre incroyable, sorte d'homme mal digéré par la bête, et qui du coup possède deux visages, l'un souffrant, l'autre ricanant : ellipse magnifique de la bête qui prend possession de l'humain, ce masque rappelle la comedia dell'arte aussi bien que la traditionnelle panoplie de science fiction des années 20.
- Divertissant, il l'est, puisque c'est un festival de surprises, de suspense, de peur, portés comme toujours avec brio par un Carpenter dopé, qui manie sa mise en scène en maître (caméra subjective, longs travellings souples et fluides, gestion du silence, utilisation à 100% de la musique spartiate et sublime de Morricone, direction d'acteurs impeccable)
- Politique, il pourrait bien l'être, bien que de façon très modeste comme toujours. Qu'est-ce que dit le film, pdvd0118wasinon la lente assimilation de l'humanité par un corps étranger (communisme? fascisme?) ? Plus que politique, on pourrait coller l'étiquette de "métaphysique" à cet essai sur la déshumanisation. Dans un décor abstrait par sa blancheur aveuglante, Carpenter raconte la lente dégradation de ce qui fait la nature humaine : les personnages deviennent des bêtes, non seulement physiquement (là encore les effets spéciaux mettent toujours en avant la mutation plus que l'altérité) mais aussi moralement (l'un devient assassin,  un autre fou, un troisième collaborateur de l'ennemi...). En ce sens, la scène centrale, chef-d'oeuvre d'intelligence scénaristique, montre des hommes contraints d'exposer leur sang pour prouver qu'ils sont réellement des hommes. Dans cette idée-là se cache tout le sens du film : le combat d'une humanité contre une déshumanisation (la mort, la télévision (!), l'ignorance, la machine...). The Thing est très abstrait, ne montrant souvent que des taches noires sur fond blanc. Le long combat du héros aura pour but d'échapper à cette blancheur, à cette uniformisation. Lething look de Ken Russell est d'ailleurs parfait : crade, trop barbu, les yeux tristes, il représente l'Homme dans toutes ses imperfections et tout son désarroi, et il finira presque aussi blanc que la neige qui l'entoure. D'un tel niveau sur le sujet, je ne vois que Mission Impossible et Bodysnatchers, c'est pas rien.
- Esthétiquement enfin, le film est énorme, imposant un rythme incroyablement lent pour un film d'horreur. Il faudra bien reconnaître un jour que Carpenter a inventé ça, la tranquillité de la mort, et les p'tits jeunes devraient en prendre de la graine. On a deux fois plus peur à ce rythme-là qu'en bondissant toutes les deux secondes sur son fauteuil.

Bref, The Thing n'a pas pris une ride. C'est un film profond, expérimental, ambitieux, poétique, douloureux, émouvant, beau, impressionnant et personnel.

tout Carpenter is bloody here

Commentaires
C
Salut à tous !<br /> <br /> Après "La Sale Bête à la plage" (Steven Spielberg, 1975) et "La Sale Bête dans l’espace" (Ridley Scott, 1979), j'ai enfin vu "La Sale Bête dans la glace".<br /> <br /> <br /> <br /> Bon, je reconnais la beauté poétique des effets spéciaux que vous décrivez et un certain talent de mise en scène et de montage. Mais pour le fond, c’est aussi réactionnaire que le tout-venant des années 1980.<br /> <br /> Deux points idéologiques que je déteste en particulier dans le film : Macready et la politique.<br /> <br /> <br /> <br /> 1) Pas du tout d’accord avec votre description du personnage principal d’"Hibernatus 1982".<br /> <br /> <br /> <br /> Les premières scènes le présentent avec une image virile de cowboy : le chapeau et un verre de whisky, premier d’une longue série de verres ou de gorgées avalées tout le long du film. Pas de doute, c’est un rebelle (il vide son verre dans le jeu d’échecs électronique, ce qui est débile aussi) qui porte les signes extérieurs d’individualisme et de méfiance vis-à-vis des règles.<br /> <br /> <br /> <br /> M est le pilote d’hélicoptère de la base, ce qui justifie sa capacité à se servir de fusil et lance-flammes et à être un homme d’action. C’est donc le seul humain qui tue cinq fois des parties de la créature et un autre homme en complet état de légitime défense. Tout cela de manière très spectaculaire, y compris pour l’humain sain qui l’agresse au couteau (pourquoi le blesser au genou quand on peut lui mettre une balle dans la tête ?). Il est tellement fort au lance-flammes que lorsqu’il brûle un corps étendu sur le sol de la station, rien d’autre ne brûle que le corps.<br /> <br /> <br /> <br /> Mais en outre c’est Macready qui le plus d’idées scientifiques, alors qu’il y a des biologistes ou médecins dans la station. S’il est facile à l’autopsie de voir que la créature prend la forme de ses proies, c’est Macready (je crois) qui a l’idée de faire les tests sanguins sur toute l’équipe et surtout celle, sortie de son chapeau texan, que toutes les parties de la créature forment un tout, lui permettant de la détecter efficacement.<br /> <br /> <br /> <br /> Ainsi, Macready est aussi multi-classé et crédible qu’un fameux chasseur de trésors et professeur d’archéologie à l’université apparu sur les écrans l’année précédente. (Il me semble que c’est un des deux types de surhommes de ces années, l’autre étant celui qui a des talents exceptionnels mais cohérents, type Rambo).<br /> <br /> <br /> <br /> Pari ailleurs, aucun autre personnage n’est autant caractérisé (ce qui les rend parfaitement interchangeables et fait qu’on s’en fout complètement), ni ne présente des talents équivalents, que ce soit dans l’action ou la réflexion. Bref l’individualisme si fréquent dans le cinéma américain est porté ici à un haut degré.<br /> <br /> <br /> <br /> 2) Pas du tout d’accord non plus avec le sens politique de "La sale bête font du ski".<br /> <br /> <br /> <br /> Si le film de 1951 est certainement une métaphore de l’invasion du « communisme » soviétique, ça paraît beaucoup plus flou chez John Carpenter (le monstre a déjà attaqué une base norvégienne puis s’en prend à une base américaine…rien de concluant). C’est sans doute un mal radical et abstrait comme dans "La Nuit des masques" et "Assaut" et c’est tout. Mais il y a ces douze hommes qui forment une société…<br /> <br /> <br /> <br /> Le film s’ingénie à isoler ses personnages : l’Antarctique, la tempête de neige, plus de communications radio. Comme parfois dans les films catastrophes ou de monstres ("L’Aventure du Poséidon"), une fois que Garry a renoncé à son autorité, plus personne n’a d’autorité légale. Une question politique intéressante est alors : comment les personnages vont-ils s’organiser pour survivre et en particulier comment les décisions seront-elles prises ? Un leader charismatique ou ingénieux pourrait être choisi, ou plusieurs avec conflits d’autorité à la clé. <br /> <br /> <br /> <br /> Dans "Douze hommes en polaire", c’est extrêmement simple. Après avoir été abandonné dans la tempête, Macready revient avec de la dynamite puis un lance-flammes et commande à tout le monde qui obéit (ou presque). Le film voit cela d’un bon œil car Macready est alors en position d’imposer ses idées géniales et donc de cramer quelques parties de la créature. Certes ça ne marchera pas jusqu’au bout puisque tout le monde mourra mais du moins Macready sera-t-il un des deux derniers à mourir, un sourire philosophe aux lèvres, peut-être après s’être définitivement débarrassé de la créature.<br /> <br /> <br /> <br /> Quel est le sens politique de cette organisation ? Le militaire Macready prend le pouvoir par la force parce que les autres sont trop violents et mauvais pour survivre tout seuls et c’est très bien comme ça. Le film semble faire l’éloge d’un pouvoir autoritaire, pourquoi pas militaire, pour diriger le groupe, et gare aux opposants. Ben je préfère "Sa majesté des mouches"…
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J
Tout simplement estomaquant (brillant ?), et cette fin en apesanteur !<br /> <br /> Viens de revoir "la chose venue d'un autre monde" de C. Niby" et H. Hawks (en personne), ne me souvenais plus de rien sauf de la découverte de la soucoupe dans la neige (et que l'on voit brièvement sur un écran de la base polaire du Carpenter)... eh ben, si ça ne boxe pas sur le même ring, c'est pas si mal que ça non plus, notamment les séquences pyrotechniques, c'est parfois un peu balais dans le cul (cette séquence de groupe où ils étudient le bras de l'extra terrestre où tout le staff de comédiens est entassé sur un mètre carré du plateau et peine à tenir dans le cadre... "bon sang, le premier qui bouge je le fais bouffer par la Chose !" hurle le réalisateur bicéphale) et ça met trois plombes à démarrer (ah ces séquences "tudieu que c'est chouette la vie de bidasse et comme on aime à blaguer avec les potes de régiment, le soir, dans la chambrée"), mais bon, quand ça commence à rouler et bien ça roule. Mais le Carpenter, ouh là, velu, le Carpenter.
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T
Vu en salle,à sa sortie. Un huis-clos alienesque !
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S
Et j'ajoute que j'aime beaucoup ta façon de parler de ses films.
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S
Oui je suis effectivement fan de Carpenter depuis mon plus jeune âge. :)
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