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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
5 mai 2009

L'Antre de la Folie (In the Mouth of Madness) de John Carpenter - 1994

2008_12_2_rcharrisinside817ème vision, et toujours le même bonheur. In the Mouth of Madness ne cesse jamais de dévoiler des trésors encore enfouis, et chaque nouvelle vision est une redécouverte. Je ne suis pas loin de clamer que voilà le meilleur film de JC (aux côtés de The Thing et de They live, s'il me fallait établir un classement) : il parvient là-dedans à allier toutes les qualités éparses dans ses autres productions : vertigineux dans le fond, brillantissime dans la forme, terrifiant, drôle et furieusement malpoli, on a droit à notre John au top de sa forme.

inthemouthofmadness01In the Mouth of Madness, c'est Descartes adapté en film de genre. Qu'est-ce que la réalité ? Suis-je vraiment sûr d'exister ou ne suis-je que la projection fantasmée des volontés d'un autre ? La religion est-elle autre chose qu'une chimère partagée par la majorité ? Comment faire la révolution, bouleverser l'ordre du monde, grâce à l'art et à la fiction ? A défaut de changer le monde, peut-on changer de monde grâce à l'imagination ? Toutes ces questions sont là, maquillées sous un vernis de film d'horreur pur jus. Plus le film avance, plus on s'enfonce dans une matière métaphysique, philosophique qui vous renverse d'intelligence. A travers l'histoire d'un auteur de livres d'horreur à succès, genre de mix entre Lovecraft et King (mais qui a aussi plein de mositmom05tx1ressemblances avec Carpenter lui-même), le film questionne la puissance de l'auteur, la force de l'Art. Quand un imaginaire est partagé par tous, il devient la réalité : idée simple mais jamais simpliste, qui pose de vraies questions sur l'existence telle qu'elle est conçue majoritairement. Encore une fois, Carpenter crache à la gueule de la religion, et le fait cette fois avec une profondeur et une insolence terribles, multipliant les motifs bibliques pour mieux en pervertir le fond, pour mieux mettre en doute sa puissance.

Car avec ce roman de gare "in progress" fabriqué par cet écrivain, c'est bien de la Bible dont parle le film. Une Bible sacrilège peut-2008_12_2_dinerêtre, mais qui finalement n'est pas loin de ressembler à la vraie. D'où cette terreur importée d'abord par les enfants, d'où cette histoire de messager sensé transmettre le savoir (Sam Neill en Christ barré), d'où ces multiples déviances inspirées des épisodes bibliques (Adam et Eve et leur minéralité dans un tableau horrible qui change au fur et à mesure que le Mal infiltre l'histoire, Sodome et Gomorrhe qu'on retrouve dans cette ville maudite sur laquelle on ne peut se retourner, le sacrifice d'Abraham qu'on perçoit à travers un meurtre rituel à la hâche, et bien sûr l'Eclésiaste qui donne le fil conducteur du film). Prodigieusement construit, le film manie une sorte de sacralisation du Mal, avec beaucoup plus de finesse que dans l'oeuvre alter-ego de Carpenter, Prince of Darkness.

Et pourtant, malgré l'ambition démesurée du projet, In the Mouth of Madness n'oublie jamais d'être avant tout un spectacle, et le plus brillant qui soit. Il y a environ une idée par seconde, la plupart totalement inthemouthofmadness03gratuites, uniquement dédiées à la poésie visuelle si chère à notre JC. Des enfants qui courent derrière un chien, comme ça, parce que c'est beau et étrange ; un cycliste au corps d'ado mais au visage de vieillard croisé en une demie-seconde, une des images les plus marquantes et les plus terrifiantes du cinéma de Carpenter ; des monstres de carton-pâte très émouvants dans leur hommage aux grands films de genre des années 40/50 ; le monde des ténèbres qui s'ouvre derrière une déchirure de page de livre, idée complètement naïve et belle à mourir... Et toujours cette utilisation miraculeuse de la profondeur de champ, jamais aussi bien utilisée depuis Halloween dans cette scène où un psychopathe armé d'une hâche s'approche du héros insouciant, semant la 48396681bff20_antredelafoliejpgpanique en arrière-plan alors que tout est calme en avant-scène. Toujours cette façon de renouveler la mise en scène pour chaque séquence, tout en gardant une homogénéité formelle totale. Toujours cette profonde compréhension des rouages de la peur, qui fait que le grand-guignol fait son entrée dans les scènes les plus tendues, qui sème le grotesque dans l'horreur. Franchement, je pourrais en parler pendant des heures. Mais j'ai peur de vous lasser, non ?

tout Carpenter is bloody here

Commentaires
M
Tudieu. Tu m'ôtes l'épître du goulot, le Golo.<br /> <br /> Absolute masterpiece.
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S
Superbe article sur un superbe film !
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X
Je n'aime pas trop le tout dernier tiers de Invasion Los Angeles mais j'adore le principe sur le papier. Et puis quel moment incroyablement gratuit avec l'interminable baston-hommage! Jack Burton je l'ai absolument adoré à la première découverte (il y a 4-5 ans), je l'ai revu un peu plus tard sans autant m'y amuser. J'aime bien les badguys avec leur look en hommage au second opus de la saga Baby Cart. Halloween j'en parle pas, je l'ai trop vu, ça reste immense dans tous les cas. Par contre j'avoue m'être emmerdé à mort devant Cigarette Burns (superbe titre hommage), il faudrait que je le revois aussi. Sinon, le seul Carpenter que je ne veux pas voir sans avoir une édition digne de ce nom entre les mains c'est définitivement Assaut. La frustration à son point maximum. Parait-il qu'il est ressorti en zone 2 y'a un an et quelques dans un master impeccable -cette fois-ci mais recadré en 1.85! Faut que je check aussi les tarifs de sa réédition américaine tiens...Vous êtes précieux les mecs, tout ceci me refait penser à tout un tas de choses oubliées depuis des lustres!
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G
Ah tu oublies They Live (Invasion Los Angeles), un des films les plus malpolis et frontaux du monde. Et tu oublies Halloween, ma grande terreur adolescente. Et tu oublies Cigarette Burns, marquant comme jamais. Je partage avec toi une vraie admiration pour le Village des Damnés, magnifiquement réalisé. Prince of Darkness, oui, revu récemment un peu à la baisse, mais ça reste du grand.<br /> En fait il n'y en a qu'un ou deux que je n'aime vraiment pas : Jack Burton, que je trouve complètement naze, et Ghosts of Mars qui dépasse un peu trop les limites du kitsch
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X
J'ai toujours aimé Carpenter. Il a clairement forgé ma passion pour le cinéma. Déjà gosse, quand mon père regardait le film d'horreur du samedi sur canal à 23h, je lui demandais systématiquement de me les raconter le lendemain au petit-déjeuner. Les Vendredi XIII, La Malédiction, The Thing...d'ailleurs pour ce dernier, j'avais réussi à en mater un bout "l'air de rien", pile en allant me coucher passait à la télé la scène du pauvre chien du début. Ca m'avait marqué tous ces fils rouges dégueulasses qui sortaient dans tous les sens. Ce n'est que plus tard où je me suis payé ma première vraie trouille au cinéma avec Le Prince des Ténèbres. Autant la moustache de l'acteur principal me faisait rire, autant le climat, l'atmosphère, le son me foutaient une pétoche pas possible. Je crois bien d'ailleurs que toutes les scènes impliquant Alice Cooper sont restées imprimées dans ma mémoire à jamais : le guet apens à l'arrière de l'église dans un couloir pas plus épais que deux rugbymen entre la bande de clochards illuminés et un pauvre type compte pour moi parmi les scènes les plus effrayantes du cinéma. Et cet espèce de son "magnétique", limite radiophonique lorsque ce corps fond en insectes dans une pénombre pas possible...Ce mec est le vrai géni du cinéma d'épouvante, faisant des montagnes de trouille avec intelligence (comme tu le soulignes) et économie de moyens. Et pour en revenir rapidement à l'Antre de la Folie, saluons l'implication totale de Sam Neil, persistant et y croyant dur comme fer. On sait à peu près tous comment il finira (je me marre encore de ceux qui me disent "putin t'as vu la fin apocalyptique de ouf de Resident Evil!") d'ailleurs. Sinon mes Carpenter préférés restent sans aucun doute (même si mon dernier visionnage remonte à deux ans peut-être, grosse erreur) Le Prince des Ténèbres, New-York 1997, The Thing, L'Antre de la Folie et, beaucoup m'ont crié dessus d'ailleurs, Les Damnés que je trouve proprement extraordinaire comme série B sans prétention. Ah, j'aime beaucoup le côté kitsh de Christine aussi, un film à plusieurs niveaux de lecture dément. J'aime bien les autres, mais je ne les déposerais sans doute pas sur mon chevet. Merci de défendre un tel auteur!
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