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8 septembre 2023

LIVRE : L'Echiquier de Jean-Philippe Toussaint - 2023

"(...) Dès lors, l'écriture d'un livre serait cette quête qui consiste à essayer de faire apparaître, à dévoiler, à mettre en mots ou à formuler, ce noeud secret, profondément enfoui, inexprimé, qui peut être autant source de terreur que trésor inestimable."

L-echiquierComme l'ami Toussaint avait peur de s'ennuyer pendant cette période de confinement retors et imprévu, il décide de s'attaquer à ce nouvel ouvrage mêlant autobiographie, réflexions sur l'écriture, la traduction et les échecs (autant de sujets qui me passionnent, si si, sincèrement) en même temps qu'à une nouvelle traduction de la dernière nouvelle de Zweig Le Joueur d'échecs. Eh bien ma foi, s'il reste d'une grande rigueur quant à son écriture (ces longues phrases dans lesquelles on s'enveloppe comme des écharpes - à l'époque où il y avait encore des hivers), ce fond personnel qu'il traite sur un ton relativement badin lui colle assez bien au teint. Toussaint (l'ouverture, c'est la base des échecs, il est bon de le rappeler ici) se livre, en soixante-quatre chapitres, aussi bien sur son apprentissage (et sa passion fut un temps) de ce petit jeu qui se déroule sur soixante quatre cases, que sur les figures marquantes des échecs ces dernières années - voire aussi sur des parties et des coups de génie. Cela lui permet au passage d'évoquer son père, un père qui cessa de jouer contre son fils dès lors qu'il sentit que ce dernier pouvait le battre ; mais qui, de par ses encouragements, fut aussi peut-être à l'origine de sa carrière d'écrivain (un sacrifice pour un bénéfice - un père et passe). Toussaint, d'habitude si taiseux sur sa petite vie, finit donc ici par évoquer des souvenirs d'enfance, ses pénibles années d'études et ses relations amicales (beau et touchant portrait de cet Andruet, champion d'échecs disparu dans des conditions glauques), amoureuses et familiales. Il ne s'épanche point, ce n'est guère le genre, mais trace parfois quelques petits liens graciles entre ces événements personnels et ses œuvres de fiction. Bien qu'il s'agisse de choses intimes, Toussaint trouve toujours le ton juste, la bonne distance pour évoquer les personnes et les mésaventures qui l'amenèrent à son métier d'écrivain. L'écriture, c'est l'un des autres domaines qu'il évoque, avec là encore beaucoup d'intelligence et de précisions (certaines pages pourraient faire de beaux sujets pour le Capes ou l'Agrèg - je dis ça, je dis rien). Le fait d'écrire, comme un refuge, ou encore le fait de se plonger dans des souvenirs (comme dans les fonds marins) pour en sortir ce qu'il y a de plus secret en nous (les vingt-mille horreurs comme les trésors), tout cela n'est peut-être pas d'une originalité folle mais est développé ici avec un savant sens de la métaphore filée. On va d'une case à l'autre, d'un chapitre à l'autre et on prend un joyeux plaisir à voir l'écrivain pousser ses pions, parler de la traduction ou de composition d'un roman avec la même finesse que l'on parlerait de stratégie aux échecs - bref une partie littéraire de goût... Un petit Goncourt pour saluer ce maître à jouer de la littérature depuis une quarantaine d'années, ça nous changerait peut-être de ces écrivains et de ces ouvrages qu'on oublie sitôt le livre fermé ? Je ne dis pas ça parce que j'ai la flemme de me taper les quatorze autres œuvres sélectionnées cette année (le Rheinardt, c'est fait) mais bon... Brillant - et mat.

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