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Shangols
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7 septembre 2023

Les Cinéphiles : Le Retour de Jean de Louis Skorecki - 1988

cinéphiles 2

Vie et état de la jeunesse cinéphile en l'année 1988 : autant vous dire que Shang et moi sommes faits pour ce film. Si on en croit pourtant ce vieux briscard de Skorecki, il n'y a pas de quoi hurler d'enthousiasme à la vue de ces jeunes gens dévoués au 7ème art, puisqu'ils arrivent 20 ans trop tard. La bande des Cahiers est passée par là, s'est engueulée puis s'est séparée, le marxisme a sévi dans les rangs des revues spécialisées, les grands cinéastes sont morts, et il ne reste plus à nos gamins que quelques bribes de culture, quelques enthousiasmes guère vivaces, quelques noms à balancer en société, et plus grand-chose à se mettre sous les yeux. Désespérément terne et dénué d'énergie, ce premier volet des Cinéphiles (qui en comptera 3) nous donne donc à voir des bouts de conversations dépassionnées sur une poignée de films haïs ou adorés, le manque de punch d'icelles allant de paire avec une façon d'envisager tous les aspects de la vie (l'amour, l'amitié, le sexe). Tout est foutu, qu'est-ce que vous voulez : il ne reste plus qu'à regarder pour la millième fois Le Plaisir de Ophüls ou La Soif du mal de Welles, qu'à railler cyniquement Le grand Bleu ou le dernier Mendes, qu'à se donner rendez-vous devant des salles vieillottes, qu'à échanger quelques considérations sur la mort du cinéma, qu'à dire du mal les uns des autres, et qu'à rentrer se coucher... ou se retaper un Dreyer.

Sans titre

Portrait peu reluisant donc, d'un état de la critique dans les années 80. Toujours filmés dans des conversations de coins de rue (quand ce n'est pas muets dans le plus simple appareil : le sexe aussi est triste), les jeunes gens ne sont jamais vus dans la salle de projection, ne sont jamais pris en plein exercice d'enthousiasme. Le jeu complètement déréalisé des acteurs, voire la distance induite par leur amateurisme (nombre de regards caméras ou de rires nerveux sont gardés au montage) pousse un peu plus dans cette idée que le monde dans lequel ils évoluent et la "passion" qu'ils se sont choisie sont devenues de simples marques d'appartenance : on balance quelques a-priori, on dit quelques noms, on énonce de vagues théories, et ça suffit à faire partie du clan. Dire que tout ça est passionnant serait exagéré : Skorecki, sans aucun moyens, se contente de filmer en plans fixes des (mauvais) acteurs, dans une répétition inlassable de moments creux, et on s'ennuie presque autant que les protagonistes dans ce film légèrement morbide et désespéré. Mais le regard de ce paria de la critique sur la jeunesse qui lui succède, même ironique, même supérieur, reste intéressant et certainement pertinent. Comme Godard, il enregistre à travers ce public amorphe et sans élan la mort de la critique, et par là-même celle d'un certain état de grâce du cinéma. On ne peut qu'être d'accord, et passer sur la forme de ce bazar en appréciant le fond.

Sans titrehh

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