L'Amour et les forêts de Valérie Donzelli - 2023
Vous voulez un document édifiant sur l'emprise conjugale, mais hésitez à vous taper un gros bouquin psy ? Allez donc plutôt voir L'Amour et les forêts : ça vous prendra 1h42, et en plus vous y verrez quelques bons moments de mise en scène. On sait l'originalité de Donzelli, pour le pire ou le meilleur : on l'attend donc au tournant pour traiter d'un sujet aussi séreux et délicat que la violence et la perversion masculines. La bougresse s'en tire honorablement, grâce à deux choses principalement : son travail de préparation d'abord, qui fait que sur le sujet, le film est crédible, intéressant, bien documenté ; et son sens de la réalisation, qui parvient sur certaines scènes à être très touchant : ce zeste à peine esquissé de comédie musicale, ce talent pour capter le bonheur (la scène magnifique avec Bertrand Belin), cette lente tension qu'elle sait joliment faire monter au cours du film, ses bonnes idées dans le détail des scènes (une ombre derrière une vitre teintée, une contre-plongée de thriller au moment fatidique, une bonne distance de la caméra...), tout ça marque incontestablement des points. Dommage que d'autres aspects soient plus poussifs ou ratés.
Bon, c'est simple : Blanche épouse un gars beau et gentil, mais qui s'avère au bout du compte être un pervers jaloux, possessif, violent et dominateur. C'est tout. Dans le rôle de Blanche, on a Efira, bien sûr, c'est un film français. Elle est mauvaise, et passe tout son film à allonger ses cernes et tirer la gueule pour montrer que ça se passe mal. Elle est affublée assez maladroitement d'une sœur jumelle, dont la solarité est censée représenter l'exact contraire de l'enfer dans lequel le personnage principal sombre, et comme Donzelli n'a pas un budget de dingue, elle jongle avec les champs-contre-champs hasardeux et pas très adroits pour faire croire à la dualité de cette femme. Tant pis pour elle et pour eux, on passe en apnée les horribles 20 premières minutes, et on respire un peu une fois notre homme dévoilant sa perversion. Par malheur, c'est Melvil Poupaud qui est en charge de la partie prédatrice, et il est flippant comme je suis boucher traiteur. Il faudra bien reconnaître un jour que, outre sa curieuse similitude avec Shang et la sympathie qu'il m'a toujours inspiré, Melvil Poupaud joue comme un cochon. Dommage, dommage, parce qu'ici, avec un comédien puissant, le film aurait pu atteindre des sommets. On se contente de regarder monter le suspense en jouant à se faire peur, mais sans éprouver réellement le danger qu'éprouve cette pauvre femme.
Tout y est pourtant, de façon un peu trop exemplaire, et on sent bien que Donzelli a bossé son sujet : elle met, bien rangé dans l'ordre, TOUT ce qu'on peut dire sur les pervers narcissiques, fabriquant ainsi l'étalon du genre, qui coche toutes les cases. Une exemplarité un peu artificielle qui tue un peu les personnages et les situations. Plein de défauts, donc, mais compensés par une certaine grâce dans la mise en scène, inventive, originale. Donzelli, si elle filme la violence de façon conventionnelle, attrape des moments de bonheur avec finesse. Elle a su se débarrasser du roman de Rhinehart pour donner sa propre vision de cette histoire, et bien lui en prend. Un exposé scolaire, des acteurs nazes, mais parfois quelques belles fulgurances.