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12 février 2021

Les Conducteurs du diable (Red Ball Express) de Budd Boetticher - 1952

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Voilà longtemps que Boetticher n'avait pas trouvé sa glorieuse place dans ces pages, et c'est honteux : voilà un cinéaste discret mais génial, qui sait toujours placer l'humain au cœur de l'aventure, qui sait toujours densifier ses récits héroïques par de la finesse psychologique, qui n'oublie jamais les hommes dans le grand barnum de l'Histoire. Pour le vérifier, allez donc faire un tour dans ce Red Ball Express. Vous y trouverez tout ce qui fait le bonhomme : de l'héroïsme viril et bon enfant, de l'aventure, de la véracité historique, mais surtout de la finesse et de l'émotion humaines, des vrais personnages forts. Si vous n'y trouverez peut-être pas la marque de la grandeur de Boetticher, le film restant au niveau des honnêtes œuvres sans envergure, vous passerez en tout un moment agréable au milieu des militaires sans peur et des grands hommes d'un jour.

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Le film s'appuie sur des faits réels qui se sont déroulés lors de la libération de la France en 44 : il s'agissait à l'époque de ravitailler le plus vite possible les troupes marchant sur Paris, qui avançaient à pas de géant. Toutes les voies classiques ayant été coupées, il restait les camions. C'est donc une joyeuse troupe de militaires pleins d'abnégation qui se lance sur les chemins de Normandie au volant de leurs véhicules, pour aller livrer carburant, armes et bouffe aux troupes de Patton. Il va falloir pour cela franchir des fossés de boue, des villages en feu et des terrains minés, faire avec la fatigue (des dizaines d’heures sans dormir au volant), slalomer entre les petites gorettes françaises bien avenantes, et surtout gérer les tensions internes : le film profite de ces grandes manœuvres pour parler gentiment du racisme présent dans les rangs (Sidney Poitier, le seul gars disponible à l'époque pour ça) ou de la rivalité entre deux gradés. C'est, vous l'aurez deviné, bien rempli pendant 90 minutes.

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Tout est bien dans ce film pourtant très classique dans sa forme : le noir et blanc qui donne des plans de studio magnifiques, les acteurs à tronche impeccables, le scénario qui s'appuie sur une histoire pas très palpitante sur le papier et le transforme en grosse épopée, la mise en scène qui ménage avec génie les moments de tension (fusillades, bagarres, sacrifices humains) et les moments de calme (les fêtes à la buvette, l'accueil des Français, les discussions entre potes)... Mais ce qui est le plus remarquable, c'est la façon dont Boetticher filme les hommes tels qu'ils sont, héroïque ou lâches, sentimentaux ou virils, dans leur plus simple appareil. C'est par exemple un gusse qui s'éprend d'une jolie Française et qui rate à chaque fois l'heure du départ, ou ce petit mec qui invente une chanson de déchargement du matériel qu'il fait chanter à la fin par les prisonniers allemands, ou ces gusses insouciants qui sont morts trois secondes plus tard (boum la mine, tactac la rafale). Les personnages, aussi nombreux soient-ils, ont tous leurs petitesses et leurs grandeurs, on sent la matière humaine dans tout ça, et on tremble pour eux, même si cette aventure manque un peu de moments vraiment dangereux pour nos hommes. Entre Renoir pour l’empathie profonde et Clouzot pour le sens du suspense, Boetticher réalise un petit film qui manque peut-être  un chouille de génie mais qui raconte son histoire honnêtement et avec un sens du cinéma irréprochable.

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Commentaires
H
Un Boetticher point vu, je rattrape cela dès que possible. Merci du conseil !
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