Tenet de Christopher Nolan - 2020
Un espion déjoue un attentat en Russie et est exfiltré par un organisme qui travaille sur l'inversion du temps. Il part donc à la recherche des responsables de l'attentat. Il s'agit d'une Indienne en lien avec un type très méchant qui retient en otage sa femme qui a acheté un faux tableau. Il a donc, c'est logique, kidnappé son fils pour se venger. Que faire alors ? Envoyer un avion de ligne exploser dans un lieu hyper-sécurisé pour détruire le fameux tableau, qui en fait s'avère être ailleurs. Notre héros inverse alors le temps et se bat contre lui-même, en parvenant à désamorcer la bombe qui est reliée au méchant avant que celle-ci ne soit inventée. Pour cela il faut qu'il tue le méchant avant sa femme mais comme il est en position inversée, il doit conduire une voiture à l'envers pour envoyer une ogive (enfin, une partie seulement), dans sa propre voiture. C'est le seul moyen de sauver le monde. Notre héros parviendra-t-il à atteindre le bunker avant que son double inversé parvienne à toucher l'Indienne, déclenchant ainsi l'assassinat du méchant par la femme qu'il aime mais qu'il n'a pas encore rencontrée, épaulé par un sbire qui est son meilleur ami depuis le départ mais il ne le sait pas car il est dans un monde à l'envers, dans un complot qu'il a lui-même mis en place sans le savoir ? Difficile car, comme il est dit, "tu as un futur dans ton passé".
Rgnnnbbbruuu. C'est la première pensée qui vient à la sortie de Tenet. Non seulement parce que vous avouerez que cette trame n'est pas d'une netteté folle, mais aussi parce qu'elle nous est racontée avec un volume et une conviction assez marqués : pas le souvenir d'avoir déjà perdu une oreille en allant voir un fim, c'est chose faite. Passe encore quand il s'agit de 14000 soldats qui montent à l'assaut d'une dune, on conçoit que ça ne se fait pas dans une atmosphère ouatée ; mais ici, qu'un gusse se promène au bord de la mer ou crache sa fumée de cigarette, et aussitôt les décibels se déchainent façon groupe de metal des années 80, vous rendant proprement exsangue. Je n'avais pas assisté à un blockbuster depuis longtemps, mais ils ont en quelques années monté les potards de quatre crans, et votre santé mentale devrait s'en ressentir. De même d'ailleurs que votre vue : Tenet est un déferlement d'images digne d'un épileptique en pleine crise, chaque plan ne doit pas durer plus d'un 16ème de seconde, ce qui rend le tout absolument incompréhensible. Peu d'espace de toute façon est laissé à un quelconque travail de votre intellect : il s'agit de gober la chose, d'ouvrir le robinet à sons et images et de vous foutre dessous.
Tant mieux : ça permet de ne pas avoir le temps de tiquer devant l'omniscience des personnages, capables d'être dans le désert sur une scène puis au milieu de l'océan au plan suivant, en haut d'une tour une seconde avant d'envahir une usine sécurisée celle d'après ; ça permet de ne pas ricaner devant ces scènes inutiles, destinées uniquement à dépenser le fric de la production, comme ce rendez-vous d'affaires en catamaran super-design ou ce dialogue de trois lignes effectué devant une vue paradisiaque d'on ne sait quelle île (ils ont pas skype, les mecs ?); ça permet de fermer les yeux sur des dialogues ridicules et les mines très concernées de ceux qui les ânonnent. Mais c'est dommage, ça empêche aussi de constater que Kenneth Branagh est un méchant bien crédible, très effrayant, et le seul à avoir un truc à jouer dans ce charabia ; ou d'apprécier la seule bonne idée du film, celle qui, visiblement, a motivé Nolan et qu'il aurait mené au bout s'il n'avait pas été dépassé par le projet : explorer à nouveau une scène déjà tournée, donner à voir le "négatif" de cette scène, permettre aux acteurs de l'explorer différemment dans le même film. Moment un peu intéressant : un homme qui bouge à l'endroit se bat contre le même homme qui bouge à l'envers, avant que la scène ne soit retournée du point de vue opposé. On aurait rêvé que tout le film soit composé de cette manière et aille au bout de son idée.
Bon, de toute façon, à moins d'avoir un doctorat de mécanique quantique (ou d'être un ado, les deux se recoupant finalement), on ne comprend absolument rien à ce film. Nolan aime les paradoxes, les jeux avec le temps, les abstractions, certes, et ça a pu donner le beau Inception entre autres ; mais là, il pousse le bouchon nettement trop loin, servant un film déréalisé, qui n'a plus aucun ancrage dans la réalité, où le monde est devenu chose abstraite qui peut se traverser de part en part en trois secondes, où les morts valdinguent sans aucune conséquence, un monde entièrement fait de chiffres et de matière. Nolan donne les infos une seule fois, et comme il les donne au milieu d'un fracas insupportable de détonations et de musique saturée, il faut être très au jus pour capter les arcanes de cette histoire de paradoxe et "d'étau" temporels. Moi, j'ai perdu 2 litres de sueur et 5 ans d'espérance de vie à tenter de suivre quelque chose au milieu du chaos. Je répète : jjbluuaaaaggrfhzk.