Général Idi Amin Dada : Autoportrait (1974) de Barbet Schroeder

Personnage affable que cet Amin, presque débonnaire devant les caméras et dont les propos feraient hérisser les poils d'un crocodile, s'il en avait. Après des années de formation en Israël, il a comme qui dirait changé de camp et s'esclaffe devant des propos qui ne font rire que lui ("6 millions de juifs tués par Hitler, c'est pas assez") ou ne feraient rire que Mel Gibson. Il rêve dorénavant avec ses trois tanks et ses deux hélicos de prendre possession du plateau du Golan - on a droit à une répétition en live - et on se dit qu'en Israël malgré tout on a dû le prendre pour un bouffon - mégalo et dérangé, mais un bouffon quand même. Amin Dada adore se mettre lui-même en scène devant ses 5 avions Mig ou devant un éléphant ; il donne même des ordres à des crocodiles qui restent sourds devant tant de connerie. Le climat dans la salle, lors du conseil des ministres, est quant à lui tendu comme le slip de l'Amin (4 femmes, 18 gamins, il se définit comme un "bon tireur", et de rire grassement) et tout le monde est au garde à vous : on a droit à une litanie d'inepties ("il faut aimer le leader", "il faut parler en bien de l'Ouganda", "il faut être franc avec moi...") et lorsqu'il annonce une boulette du ministre des affaires étrangères, ce dernier serre méchamment les fesses - il n'a d'ailleurs pas vraiment tort car il sera retrouvé 15 jours plus tard assassiné dans les eaux du Nil ; l'Amin est patibulaire, un Dada surréaliste par rapport à sa conception de la démocratie, des relations internationales, de son poids (lourd, mais dans le sens aussi d'esprit très lourd); si l'équipe française (Almendros à l'image) qui entoure Schroeder rit souvent jaune aux blagues de l'Amin, on sent qu'ils restent éberlués devant tant de suffisance tout en étant conscients de capter un homme de pouvoir sanguinaire en action... Responsable d'au moins 350.000 morts, il a coulé des jours paisibles en Arabie Saoudite avant d'y mourir. A quand un reportage de cette teneur et cette valeur sur l'Amiral Ratsiraka, hébergé "gentiment" par la France ?   (Shang - 02/09/07)

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Un modèle de subtilité que ce documentaire effectivement assez hallucinant sur un des plus grands enculés que notre Terre ait porté. "Autoportrait", ajoute subtilement le titre, et c'est ça : Schroeder fait mine de laisser faire Amin Dada, qui aurait sûrement refusé sans ça, et le filme donc en plein exercice d'auto-glorification, alignant des mensonges à faire rougir Donald Trump, pavoisant devant son hélicoptère et ses pauvres soldats décatis, caressant paternellement la tête d'un de ces 40 bambins assez interloqué, mimant la télépathie avec des crocos tout aussi sceptiques, bref sillonnant le pays en "bon père de famille", sévère (la réunion avec les ministres), mais juste. A peine si Schroeder ose lui envoyer parfois une de ses énormités à la gueule : il s'en tire alors avec une espèce d'énorme rire faux qui fait frissoner des pieds à la tête. Ce n'est donc qu'en creusant derrière ces fanfaronnades, derrière la façade de cet autoportrait auto-satisfait, qu'on parvient à deviner quelle espèce de monstre était cet homme. Un savant mélange donc, réalisé sur des oeufs, entre une interview en roue libre du gusse et une critique de ses paroles, que notre Barbet réalise avec une ironie délicate : un peu plus de condescendance et ça aurait été une douteuse hagiographie, un peu plus de critique et on n'aurait pas eu un tel aperçu du personnage dans toute sa faconde. Tel quel, on a un portrait d'un dictateur total, content de l'être et très heureux de vivre, bouffi de vanité et de gloriole, un de ces enfoirés dont on aimerait bien un jour, quand même, voir la disparition, mais qui continuent de sévir encore sur notre planète... Heureusement, il semble qu'on ait peu de chance de se faire attaquer un jour par l'Ouganda, vu son armée et son équipement militaire. (Gols - 25/08/20)