Au-delà de la Gloire (The Big Red One) (1980) de Samuel Fuller

On achève cette odyssée Fuller (en attendant de trouver les petites scories télévisuelles manquantes du sieur) avec ce flamboyant The big red One qui prouve que lorsqu'on donne les moyens au père Sam il sait encore faire parler la poudre. On suit les pérégrinations guerrières de ce célèbre premier bataillon ricain des rives de l'Algérie à un camp de la mort tchèque en passant par la Sicile, les plages de Normandie ou encore les Ardennes ; la vie et la survie du Sergent Marvin et de quatre de ses hommes, intrépides, courageux, chanceux. C'est un petit récital de guerre en mouvement, d'approches stratégiques et de balles tirées ou de grenades lancées tous azimut. L'avancée et la survie d'une poignée d'hommes qui parvinrent avec plus ou moins d'appui extérieur à détruire et à passer les lignes ennemis. Un film de guerre héroïque sans chercher à produire des héros, mais heureusement, chez Fuller, on a droit à un peu plus que cela - du rab purement cinématographique en quelque sorte.

Oui, il y a ces sempiternels affrontements avec boches tombant ou explosant sous les balles mais il y a aussi toutes ces petites séquences savamment concoctées par maître Sam : une séquence d'ouverture sous les yeux d'un Christ meurtri, aveugle, tête basse devant ce massacre de la première guerre - il ressuscitera lors de la seconde guerre ; viendront d’autres séquence du même acabit, aussi puissantes : un curieux tuyaux rempli de TNT à porter dans les lignes ennemis : les soldats se suivent (1, au suivant, 2, suivant, 3...), se relaient, tombent sous les balles et chacun serre les fesses en espérant que le numéro avant le sien aille jusqu'au bout de sa mission - une séquence éprouvante, tendue, tragique où l'on attend un miracle, qui finira bien par venir, avec la grâce de Dieu ; un accouchement, dans un tank, d'une française qui jure ses grands dieux : là aussi c'est le petit plus du gars Sam qui influe une petite pointe de vie, de renouveau, dans ce massacre permanent où il vaut mieux tuer ceux qui jouent aux morts plutôt que de se faire bêtement surprendre ; une grotte, et dans ce gouffre, des soldats allemands qui tombent les uns après les autres, en bon ordre de marche, disciplinés ; un camp de concentration où un allemand, qui a le malheur de se cacher dans une chambre à gaz est exécuté froidement une fois, avant que le tueur vide un chargeur sur lui, et un deuxième, comme s'il s'agissait de vouloir tuer l'horreur des horreurs en son nid, de façon absurde... Il y a ces séquences qui marquent et il y a Lee, le teint plus buriné que jamais, impénétrable, ne se laissant jamais aller, versant à peine une larme devant une petite fille plantant des fleurs dans son casque ou devant un gamin juif auquel il ne reste que quelques heures à vivre. Chez Lee, tout se vit sous les draps, en son for intérieur : impassible mais diablement observateur de cette boucherie et de ces fugaces instants de grâce - qui ne le dérident point mais qui font saigner son cœur, devine-t-on (oui, Lee, il exprime tout cela avec son teint pivoine). Il y a aussi cette bande des quatre, assez taiseux, assez respectueux les uns envers les autres, qui ne cherchent point à jouer les mirlitons, si ce n'est parfois devant les nouvelles recrues (qui font souvent de la figuration) : pas de fierté, pas de gloire, juste la conscience d'avoir le cul bordé de nouilles à pouvoir s'en sortir à chaque fois, sans une égratignure - des miraculés, simplement. Fuller, seize ans après The Naked Kiss prouve qu'il en a encore sous la pédale. Ça tombe plutôt bien, puisqu’il s’agira là d’un véritable baroud d'honneur avant une petite adaptation du gars Gary. Big one.

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