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14 janvier 2020

Le Parfum de l'Encens (Kōge) (1964) de Keisuke Kinoshita

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Bien belle fresque de l'ami Kinoshita qui nous emmène sur 200 minutes dans l'histoire (amoureuse) pour le moins contrariée de la belle Tomoko (Mariko Okada) : abandonnée par sa mère, déposée dans un bordel par son beau-père à la mort de sa grand-mère, Tomoko va recevoir l'éducation classique d'une geisha - arrivée à maturité (plus de 16 ans, hein, facile), elle est le centre de tous les regards alors même que sa mère, dorénavant, se prostitue (un exemple, this mother...) ; les protecteurs se bousculent mais la jeune Tomoko n'a d'yeux que pour un militaire... Le début d'une belle histoire d'amour ? Penses-tu, le destin de Tomoko est comme plombé – en particulier par sa mère, dont la « réputation » l'empêche de se marier... Alors même que l'histoire en arrière-fond s'agite (du tremblement de terre au bombardement de Tokyo), Tomoko va tenter, professionnellement, de mener sa barque (la reine des auberges)... Seulement si sa mère (plus opportuniste tu meurs) collectionne les mariages (et un, et deux, et trois...), la pauvre Tomoko semble vouer, elle, à vivre sa vie en solo : comme une sorte de malédiction ? Possible.

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Kinoshita nous la joue très sobre dans le filmage (ces multiples plans de deux individus face-à-face et ces légers zooms pour se recentrer sur l'un ou l'autre des personnages) mais se montre beaucoup plus audacieux dans les ellipses ; même si l'on suit de près les transformations physiques de Tomoko, il nous arrive de faire des bonds dans le temps sans même qu'on les voie venir. Mais ces bonds, s'ils permettent parfois de mettre en relief la réussite indéniable de Tomoko dans le business, semblent ne rien devoir changer à sa vie affective : désirée, adorée, sponsorisée, Tomoko passe malgré tout à côté du grand amour ; comble du sort (et de son ironie), sa mère (qui l'avait quand même lâchement oubliée lorsqu'elle n'était qu'une enfant) rapplique à chaque fois à son domicile, notamment quand Tomoko est au summum de sa réussite ; une mère qui la plombe, qui la dégoutte, qui la gonfle, mais une mère qu'elle va tenter malgré tout de supporter tout au long de son existence. Le film se concentre en grande partie sur les relations tendues entre les deux femmes qui donnent souvent lieu à de très belles joutes verbales ; la fille exaspérée face à la mère sans foi ni loi toujours prête à jouer les crampons. Si les deux femmes, leurs engueulades, leurs réconciliations constituent le fil rouge de l'histoire, on a droit aussi à de très belles séquences quant au ressenti  émotionnel et sentimental de Tomoko : lorsque toute chtite, elle se retrouve toute seule dans cette chambre de bordel et dans ce kimono trop grand ; lorsque ses larmes se font perles quand, chez son "protecteur", elle repense à son amant qui lui échappe ; lorsque, à bout de force, elle demande à son autre sœur de prendre en charge leur mère - en vain ; lorsqu'elle se fait lourder par son amant militaire qui n'y croit plus ; lorsqu'elle rend visite en prison à cet ancien amant condamné à mort pour crime de guerre (le regard de la famille de cet homme sur cette femme toute menue qui sort de nulle part : terrible) ; lorsque... Il n'y a peut-être pas de scène particulièrement déchirante mais toute une suite de situations déprimantes qui semblent vouloir s’abattre sur cette Tomoko pourtant si combattive, si indépendante, si solitaire. Kinoshita réussit à n'en pas douter un de ses plus jolis portraits de femme en prenant le temps d'échelonner ici son récit sur des dizaines d'années. Une vie rythmée par les saisons (magnifique travail esthétique sur les décors) mais qui semble vouloir perpétuellement répéter la même histoire : l'abandon originel de Tomoko est comme un signe qui va la poursuivre toute sa vie ; personne ne semble être capable de briser ce destin qui doit se jouer en solo, seule contre tous. Un parfum dont on ressort enchanté tant par le fond que par la forme : la mise en scène épurée et toute en sobriété de Kinoshita le rapproche définitivement ici des grands maîtres nippons.

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