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10 janvier 2020

Passion (Passhon) de Ryūsuke Hamaguchi - 2008

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Avant de devenir Ryūsuke Hamaguchi, Ryūsuke Hamaguchi réalisait déjà de solides portraits de sa génération. Passion ne comporte pas encore les personnages solides et précieux qui seront dans Senses et dans Asako I & II ; mais il présente un portrait crédible et tendre des jeunes Japonais des années 2000, tout en continuant de nous surprendre dans des scénarios savamment dosés. Si la mise en scène simple mais efficace n'est pas encore complètement en place, on sort de ce film assez convaincu qu'on tient avec le bougre un excellent auteur, fin observateur du monde qui l'entoure et chroniqueur doux-amer de cette génération perdue qu'il représente.

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Le film s'ouvre sur un repas entre potes où les changements de vie vont se déclarer : un couple attend un bébé, un autre va se marier, et puis il y a les éternels célibataires et coureurs de jupons pas sortis de l'adolescence qui forment toute bande digne de ce nom. Mais d'entrée de jeu, on sent qu'il y a bien des non-dits dans ce groupe : une femme qui fond en larmes à l'annonce du mariage, quelques lourds regards échangés entre convives, une gêne évidente chez certains, on sent bien que tout ne va pas comme dans le meilleur des mondes dans cette mini-communauté joyeuse et braillarde. Et effectivement : après quelques sorties à la Husbands, où on s'échange des coups "pour rire"... ou pas, nos jeunes vont se heurter à la dureté et aux ambiguïtés de la vie, et à la fin du film, deux nuits blanches plus tard, les cartes du tendre seront complètement redistribuées. Car il n'est pas si facile de grandir et de mûrir, surtout quand on est un jeune Japonais encore bien élevé dans la tradition morale et soucieux en même temps d'être de son temps et d'évoluer. Les trois potes principaux du film vont mettre les choses au point, s'engueuler à qui mieux mieux, se trahir et se tromper, les femmes vont voir défiler sur leurs paliers les prétendants et les anciens amants, bref un beau bordel orchestré avec beaucoup d'humanité par un Hamaguchi très proche de ses personnages, très attentif à leurs petits remous sentimentaux, et très juste au final dans ces portraits.

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Il faut bien vivre sa jeunesse, mais il faut aussi savoir lui dire adieu et obéir aux lois sociales du mariage et de la fidélité. En se heurtant à cette vérité, les garçons du film se perdent dans leurs errances amoureuses. Les femmes sont les victimes sacrificielles de l'immaturité masculine, même si celle-ci n'est pas appelée ainsi par Hamaguchi : lui enregistre avec empathie les doutes qui assaillent cette jeunesse perdue, refusant tout moralisme à son histoire. Il n'y a pas de vérité là-dedans, et il n'est pas meilleur de se marier et de se ranger que de vivre une vie de fête insouciante et libre. Le dernier dialogue, sommet du film, est emblématique de la chose : deux amants qui se juraient encore il y a deux jours fidélité remettent en question leur amour, se quittent, puis se réconcilient dans un même mouvement : justesse et sincérité de l'écriture, rigueur de la mise en scène, le gars fait très doucement bouillir la marmite de l'émotion, et cette séquence est le point final d'un film qui a retenu ses sentiments jusqu'au bout mais ne refuse pas de tout lâcher à la fin. Il y a d'ailleurs des scènes très belles tout au long du film, comme ce dialogue amoureux le long d'un paysage d'usines, où on entend les personnages bien avant de les distinguer dans la lumière entre chien et loup (l'enregistrement des jours et des nuits est très important dans le film), ou ces beaux moments de complicité entre potes au début du film. Tout n'est pas à ce niveau-là (la plus longue scène, sorte de jeu "d'action/vérité" est mal balancée ; une séquence de cours de math qui se transforme en cours de philo n'a rien à faire là), mais on demeure touché par cette petite chose hyper-japonaise et hyper-moderne. Très joli.

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