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10 janvier 2020

Grandeur et décadence d'un petit Commerce de Cinéma (in "Série Noire") (1986) de Jean-Luc Godard

852394Mes bras, mes jambes et ma tête même ont fini par tomber à la vision de ce cauchemar mettant en scène un Jean-Pierre Léaud moustachu grandiloquent et un Mocky à la hauteur de ses films. Un casting est réalisé avec des chômeurs et pour le reste je vous laisse le plaisir de découvrir le début, le milieu et la fin, je ne voudrais surtout pas vous gâcher ce qui m'échappe. "Le cinéma tue la vie" ouais, enfin là si Godard veut faire le procès de la télé il tue aussi le cinéma, avec tout le respect que je lui dois. Godard himself avoue à Mocky qu'il va partir pour Reykjavik car "c'est là qu'il y a eu la plus grande partie d'échecs du monde" et d'ajouter "alors je me suis dit que c'était ma place" : c'est bien le seul truc que j'ai noté (et que j'ai compris...) dans ce mic-mac totalement décousu. Faut bien reconnaître qu'il fait tout pour le chercher, l'échec - on frôle le masochisme à ce niveau-là. Une "série noire", finalement, c'est bien le mot. Sans moi, définitivement - je laisse Godard avec sa face obscure de la force.   (Shang - 20/04/08)


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Tout de même un peu lapidaire, le Shang, en 2008, pour ce qui concernait Godard. Plutôt sous le charme, moi, de ce film certes souvent bancal, pas au niveau des grands chefs-d'oeuvre de cette époque-là de JLG, mais pourtant foutrement intéressant en ce qu'il est en quelque sorte le premier à être dans la veine crépusculaire de son auteur. Le film annonce Nouvelle Vague ou Soigne ta droite. Il y est question, comme dans 90% de l'oeuvre à venir de la mort du cinéma. Il arrive à un moment de toute évidence charnière pour notre copain Jean-Luc : mort de Truffaut, de Rassam, fin d'une certaine conception de la production cinématographique et de l'exploitation en salle, expansion de la télé (pour laquelle ce film est réalisé d'ailleurs)... et tarissement de l'inspiration chez JLG, arrivé à la fin d'un chemin, un peu dubitatif quant à la suite. Ce constat prend la forme d'un tournage de film cauchemardesque, où Léaud, qui interprète avec humour et mélancolie un cinéaste énervé, se heurte constamment aux obstacles de la création de son film : choix des acteurs, rédaction du scénario, affirmation de style face au goût commun, etc. Parallèlement, on suit les manigances de son producteur, Jean-Pierre Mocky (qui est excellent, c'est à noter), se mouillant dans des entourloupes un peu douteuses pour faire le film, et qui terminera tristement assassiné. Tout semble livré à la gabegie : la scène centrale, difficilement supportable dans la longueur, voit défiler une bande d'aspirants-comédiens auxquels on demande de dire un ou deux mots d'une longue phrase, dans un ordre aléatoire. C'est chaotique, le sens se perd complètement, c'est répétitif à mort, ça ne veut plus rien dire ; et le regard mi-morne mi-désespéré de Léaud là-dessus montre bien qu'il ne sert plus à rien de s'abuser sur la puissance du cinéma. Seul à y croire encore, Mocky, qui se bat et a l'occasion d'un bilan avec Godard lui-même, lors d'un dialogue magnifique.

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Cette élégie est organisée dans un chaos qui va désormais devenir l'image de marque du compère : les sons se heurtent, les images se contredisent elles-mêmes, les inscriptions à l'écran ou les écrans noirs apportent les contre-points rythmiques ; bref tout, images et sons, est traité musicalement, comme si le matériau cinématographique dans son ensemble était une suite de notes et d'accords à organiser. Même au niveau du style, Godard aime le mélange : il peut enchaîner une scène triviale, à la limite du vulgaire, avec une scène intimiste, un gag (la vitesse avec laquelle Léaud enfile un pull... on dirait un de ces petits détails à la Eustache) ou une de ces références savantes dont il a le secret. Au milieu de ce maelström de sensations, d'émotions, de dégoûts et de passions, surgit parfois une scène d'une violente beauté, ici par exemple la séquence du bar et ce dialogue fugitif entre Léaud et la femme du producteur, qui vient prouver que Godard est tout aussi capable de faire une scène classique que de bousculer toutes les conventions. Alors certes, Grandeur et décadence d'un petit Commerce de Cinéma n'est pas complètement réussi, trop répétitif, parfois abscons, trop "auto-référencé". Mais tel qu'il est, tout malheureux dans son coin, on ne peut que lui accorder toute notre tendresse.   (Gols - 10/01/20)

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