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5 janvier 2020

Citizen Kane d'Orson Welles - 1941

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Ajoutons ce modeste texte à l'interminable catalogue des critiques et commentaires sur Citizen Kane, ça ne coûte rien. Que dire de ce trésor éternel, de ce premier film éblouissant qui bat à plate-couture tout ce qui s'est fait jusqu'à maintenant, lors même qu'il est réalisé par un jeune blanc-bec complètement novice en technique cinématographique, ignorant même jusqu'au nom de travelling ou de focale ? Que dire qui n'ait pas déjà été dit, d'ailleurs ? Peut-être en renonçant à être original et en mentionnant la seule vérité vraie sur ce film : c'est un chef-d'oeuvre. Et en rappelant modestement quelques éléments du bazar. D'abord que Welles, certes, fait preuve ici d'une virtuosité sidérante: aucune scène n'est "neutre", toutes ont leur style, leurs prouesses techniques, leur façon unique de se dévoiler. Mais ce barnum est au service d'un secret enfoui, d'un tout petit motif : au sein de ce grand film baroque et too much, crâneur et grandiose, se tient ce fameux "Rosebud", petit secret enterré dans un coeur d'enfant. On a beau, comme Kane, être passé par tous les états de la grandeur et de la décadence, avoir été le maître du monde et avoir rencontré les plus grands, avoir traversé les continents et avoir jonglé avec les dollars, au fin du fin il reste un souvenir d'enfant, un gosse abandonné, une image de jeunesse sous la neige au moment où notre destin bascule. Le film est spectaculaire mais se résume finalement à sa dernière image : le mot Rosebud qui disparaît sous les flammes.

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Petit résumé : Charles Foster Kane, magnat de la presse, multi-milliardaire, légende de la réussite financière et sociale, autodidacte de génie, monstre de manipulation et fin politique, ex-candidat à la présidence et ami des grands de ce monde, meurt seul en son immense demeure de Xanadu. Au moment de mourir et de lâcher la boule à neige très symbolique de son dernier souffle, il prononce le mot "Rosebud". Que voulait-il dire par là ? Un journaliste se lance dans l'enquête, et va aller interroger les personnes qui ont compté dans la vie de Kane : son tuteur, ses femmes, ses collègues, ses amis, avec cette question aux lèvres, dont il sent bien qu'elle est le secret de la vie du grand homme. Il en reviendra avec un portrait complet du bougre, souvent à charge, tout en ambiguïtés, mais sans avoir découvert la signification du mot, qui ne sera dévoilée qu'à l'ultime seconde, presque par hasard. Le film est donc un portrait morcelé, anti-chronologique et subjectif de la vie de ce magnat, une image de l'homme vue par les autres, alors qu'il y a une image qui trottait dans la tête de Kane lui-même et que personne n'a su voir. Portrait des gens qui ont entouré Kane tout autant que de Kane lui-même d'ailleurs. Soignant minutieusement ses personnages, Welles laisse voir quelques caractères parfaits, au premier rang desquels figure Leland (Joseph Cotten), complice et soutien tout aussi madré que Kane. Les personnages des deux épouses ou de l'homme qui a arraché Kane à ses parents sont tout aussi passionnants.

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Mais bien sûr, au-delà de l'histoire, le film est génial du point de vue de sa mise en scène. On peut trouver que Welles a la main un peu lourde au niveau du style, mais franchement, quand on manie aussi bien la caméra, quand la vision d'un homme est illustrée aussi fortement, on ne peut que s'incliner. Toutes la grammaire cinématographique semble trouver son illustration dans ce film : les travellings vertigineux, les décadrages, les zooms intrépides, les angles biscornus, tous étant au service de la trame, au service du plaisir du spectateur. Pour raconter par exemple les difficultés de la femme de Kane à percer en tant que chanteuse, Welles réalise deux fois la même scène, en désaxant les plans à chaque fois : une lampe qui s'allume, un rideau qui s'ouvre sur une équipe de théâtre affairée, un chant, travelling latéral et deux techniciens qui écoutent nonchalamment l'actrice avant de baisser le pouce en signe d'échec. C'est simplissime à l'écran, super technique sur le papier, et ça dit sans mot tout un destin, tout un personnage. Welles est friand de ce genre d'effet simple mais très parlant, comme les profondeurs de champs, absolument vertigineuses : un verre vide en gros plan, au deuxième plan une femme endormie, et tout au fond de l'écran Kane qui rentre dans la pièce, et on comprend tout. De même que pour l'utilisation très fréquente des contre-plongées : en filmant tous ses personnages par en-dessous (parfois même, à mon avis, en creusant des trous pour y placer la caméra), en montrant constamment les plafonds, il induit le destin implacable qui vient écraser ces petits pantins complètement asservis au capitalisme galopant. La caméra de Welles est toujours placée à un endroit intrigant, inédit, aberrante même parfois, mais qui en dit beaucoup plus que les longs discours sur les personnages. Il alterne en plus les registres avec une facilité apparente qui bluffe complètement : d'un faux journal d'actualités, on passe à un mélodrame avant de glisser sur une scène de comédie à la Dickens puis sur une tragédie shakespearienne. Voilà un exemple de cinéma total, rempli de prouesses techniques toutes parfaites, et douloureux dans son fond : la perfection.

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Commentaires
S
T.B. , même pas un petit western et un petit noir dans la liste ..hum .
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T
LES 10 CONTRE JEANNE DIELMAN<br /> <br /> (THE GREATEST FILMS OF ALL TIME)<br /> <br /> <br /> <br /> 1. CITIZEN KANE<br /> <br /> (1941) Orson Welles <br /> <br /> 2. LA RÈGLE DU JEU<br /> <br /> (1939) Jean Renoir <br /> <br /> 3. VERTIGO<br /> <br /> (1958) Alfred Hitchcock <br /> <br /> 4. BRONENOSETS POTEMKIN<br /> <br /> (1925) S.M. Eisenstein <br /> <br /> 5. TŌKYŌ MONOGATARI<br /> <br /> (1953) Yasujirō Ozu <br /> <br /> 6. L’AVVENTURA<br /> <br /> (1960) Michelangelo Antonioni <br /> <br /> 7. 8½<br /> <br /> (1963) Federico Fellini <br /> <br /> 2001 : A SPACE ODYSSEY<br /> <br /> (1968) Stanley Kubrick <br /> <br /> 9. LADRI DI BICICLETTE<br /> <br /> (1948) Vittorio De Sica <br /> <br /> LA PASSION DE JEANNE D’ARC<br /> <br /> (1928) Carl Th. Dreyer
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