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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
5 janvier 2020

SERIE : Grégory (2019) de Gilles Marchand

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Trente-cinq ans plus tard, le corbeau vole encore... L'affaire médiatico-judiciaire du millénaire évoquée dans une mini-série Netflix ? Voyeurisme pur ou énième tentative de vouloir démêler l'affaire ? Du voyeurisme, avouons-le, il y en a forcément, tant les protagonistes ont été photographiés, filmés, interrogés sous tous les angles, à tous les instants (ou presque) de leur vie... L'enterrement de Gregory et les cris de sa mère constituent là un summum de la chose : que font là, bordel de dieu, tous ces photographes et comment se retrouve-t-on, nous-mêmes, à mâter la chose ? C'est sûrement le plus grand moment de malaise en images... Les autres grands moments de malaise viennent surtout de ces interviews faites, pour le besoin de la série, des protagonistes extérieurs à l'histoire : si chacun tente de donner sa vérité, sa version, son sentiment, son expérience, on dérive parfois vers des propos très limite : un flic qui fantasme sur Christine Villemin (certes, ce sont des paroles de flic, me direz-vous, grasses, irréfléchies, bêtes... Rien de nouveau. Mais là franchement le type dérape terriblement...), des journalistes (the fantastico Jean Ker (qui finit tout de même, le pire, par devenir presque attachant) : sa couverture de l'affaire pour Paris-Match l'a conduit dans l'intimité du couple - ce dont il s'est repu ; il y aussi ce type frisé qui se prend pour un détective et tente, avec ses gros sabots et son air concon, de piéger les Laroche), et j’en passe... bref, certaines personnes tiennent des propos qui montrent souvent à quel point ils se sont fait, presque malgré eux, contaminer par cette affaire diabolique... Ce ne sont malheureusement pas les seuls, puisque même les juges (le fameux petit juge Lambert dont le manque de professionnalisme est absolument hallucinant (son sourire et sa coiffure de Playmobil n’arrangeant franchement rien – paix à son âme en plastique) ou le sérieux Simon qui a fini par se noyer lui-même dans ce cas) ont successivement déraillé. Bien. Au-delà de cette galerie de personnages parfois franchement gratinés, Gilles Marchand réussit très bien deux choses : nous faire comprendre l'opposition absolue des deux « clans » (Villemin vs Laroche - avec chacun leurs journalistes, leurs avocats, voire leurs policiers attitrés : on sent qu'il y a simplement deux thèses qui s'affrontent (ceux qui accablent la mère et ceux qui accablent Laroche... sans jamais rien de probant) et nous montrer tout le cirque médiatique : les médias parisiens débarquent en province et cette confrontation serait franchement digne d'un roman de Flaubert (les sans-pudeurs vs les taiseux). On sait, forcément, qu'aucun indice ne viendra ici nous révéler la vérité et qu'il y aura toujours (en tout cas jusqu'à maintenant) dans cette histoire un terrible sentiment de frustration : comment est-il possible dans ce lieu où tout se sait que la vérité n'ait jamais fini par éclater !!! Les erreurs des uns et des autres (police ou justice) ne font pas tout. On reste notamment absolument baba sur le fait que rien, absolument rien, ne transpire sur l'identité du corbeau... Le gars ou la gâte ne s'est pas contenté d'un coup de fil ou d'une lettre : il y en a des centaines et pffffiou, le truc reste un mystère complet. Comme si l'omerta des Vosges pouvait faire passer celle des Corses pour du lait de brebis. On regarde la chose dans une sorte d'hébétude constante, tant l'affaire garde, comme une tombe égyptienne (avec ses malédictions propres), tous ses mystères. Dommage que Marchand cède parfois au plan un peu ridicule de "l'illustration stylée" (ces vrais corbeaux filmés dans différents endroits de l'histoire, au secours) mais avouons que le taff d'enquête demeure sérieux et franchement passionnant... sans que pourtant rien de nouveau n’émerge. Une éternelle étrange affaire que l'on suit avec une certaine "fascination" (un secret jamais levé ?) et un voyeurisme coupable... Puisqu'il en faut bien un.   (Shang - 01/12/19)

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Tout est dit par mon compère. Pas de sentiment de culpabilité ou de voyeurisme pour moi cependant : Marchand retrace l'Affaire du Siècle française et le fait en mettant en valeur la responsabilité des premiers concernés : les médias, en montrant, avec le recul, la part qu'ils ont prise dans la non-résolution de l'affaire. Les journalistes, dans un jeu de surenchère qui semble leur échapper, ont quasiment saboté l'enquête, dévoilant des secrets (avec la complicité sûrement involontaire ou inconsciente de Lambert) et déclenchant ainsi des raz-de-marée (le vrai tournant : les aveux de Murielle Bolle, puis sa rétractation face à la pression de sa famille), ou jouant comme le chat et la souris sur les carrières des uns et des autres. A ce petit jeu, on tient le grand champion du monde : Jean Ker, hallucinant personnage, véritable personnage balzacien au cynisme totalement déculpabilisé, qui ne recule devant aucune entourloupe pour être au premier rang de chaque événement. Et c'est payant : il est au courant de tout, toujours là quand il faut saisir la bonne photo ou obtenir un aveu, confident de Christine Villemin, toujours au fait des choses avant même qu'elles n'arrivent. Ker est le héros de la série parce qu'il montre une chose : les journalistes à l'époque étaient tellement dans l'attente d'une révélation ou d'un événement, qu'ils en ont complètement oublié l'éthique ; et même aujourd'hui ils n'en sont pas conscients. En atteste la phrase hilarante de Ker révolté : "Ce type planquait des magnétos sous la table des Villemin... comme moi !". Même Denis Robert parle de cette époque avec un certain sens du scandale, mais oublie qu'il était aux premières loges à l'époque. Quant au papier de Duras, on voit bien le mal que peuvent faire les intellectuels quand ils se mêlent de ce qui ne les regarde pas et quand ils oublient la réalité pour faire du beau style.

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Loin de nous transformer en voyeur, Marchand nous restitue l'atmosphère de folie médiatique qui a fait gonfler cette affaire jusqu'au délire. Chaque rebondissement de cette enquête, et ils sont pléthore, semble dû aux médias. De ce chaos émergent quelques figures magnifiques : Murielle-"Bernar il é inneussen"-Bolle, débile légère devant subir la pression inimaginable de sa famille et des journalistes ; le flic clairement devenu raide dingue de Christine et qui pour se venger, l'accuse du meurtre, en dépit de toutes preuves ; Lambert, erreur incarnée du petit bureaucrate dépassé par ce qu'il a en face de lui ; et surtout le couple Villemin, incroyable de romantisme, toujours ensemble aujourd'hui malgré les épreuves. Pour le reste, je suis d'accord avec Shang sur les petites erreurs de mise en scène de Marchand. Mais pour quelqu'un comme moi qui ne connaissais de cette affaire que la surface, voilà une série passionnante qui vous fait plonger au coeur du mal (Carpentier) et retrace avec clarté et brio les ambiguités d'une histoire qui aurait pu rester tristement banale, mais qui est demeurée historique par choix médiatique.   (Gols - 05/01/20)

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Commentaires
V
Muriel Bolle, "débile légère" : l'expression est intéressante. Elle renvoie en effet, involontairement, aux raisons pour lesquelles cette affaire fascine autant les médias (dans les années 80 et encore aujourd'hui). Le milieu social très modeste, pas branché du tout, de ces gens dépourvus d'instruction et un peu rustres, est perçu comme un monde quasiment exotique. Un siècle plus tôt, la même affaire aurait sans doute eu moins de succès, sauf si elle avait eu lieu dans les colonies, dans une tribu aux coutumes jugées arriérées.
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F
From outer space :<br /> <br /> <br /> <br /> https://housseniawriting.com/actualite/satire/un-costume-de-francois-fillon-decouvert-chez-le-juge-lambert/
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