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28 mai 2019

Le Phénix (Fushichō) (1947) de Keisuke Kinoshita

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On n'arrête pas de se faire plaisir avec ce petit cycle Kinoshita, que dis-je cette véritable rétrospective. Le Phénix, disons-le en intro, est un hymne à l'actrice Kinuyo Tanaka qui, sans aucun doute, part favorite pour le prix d'interprétation et ce quel que soit le festival. De la première séquence où elle s'active (elle est au service de chacun dans cette maisonnée, toujours au taquetto et ce avec le sourire) à cette scène d'anthologie où elle tente de convaincre le père de son futur mari qu'elle est the best, il faut bien reconnaître (et ce malgré un physique un peu ingrat - oui, j'aurais pu me passer de cette réflexion, c'est vrai) qu'elle crève l'écran, qu'elle le bouffe. Le film est construit là encore autour d'un long flash-back : le beauf de Kinuyo va se marier et celle-ci, tout en lui souhaitant bonne bourre, ne peut s'empêcher de dire que son couple ne sera jamais aussi fort que celui qu'elle forma avec Shinichi (Keiji Sada, the beau gosse nippon). Ses yeux et l'image se brouillent et nous voilà parti pour une remontada de souvenirs, de la rencontre dans le bus à la dernière permission idyllique de Shinichi. Une page d'amour avec des illustrations en or.

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Oui, sans tomber dans l'exagération, on sent que Kinoshita a pris de la bouteille. On est, dès le départ, franchement séduit par cette première séquence dans le bus, ce moment qui scelle la rencontre entre les deux futurs tourtereaux. Tout d'abord, on assiste à des sortes de flashs sur l'ami Shinichi (debout ou assis dans le bus), comme des images mentales que le cerveau de Kinuyo aurait photographiées à jamais. Après avoir fait connaissance avec son futur amant sous tous les angles, une petite saynète, toujours dans le bus, où l'on voit Shinichi se montrer maladroit puis échanger les premiers regards complices avec celle qui sera, on le sait déjà, toute sa vie. On ne dira pas que pendant une heure toutes les séquences nous ont mis sur le fondement mais on garde précieusement en mémoire ce passage où nos deux amants, sous la pluie, tentent de se "soutenir" (c'est le déluge mais le regard qu'ils portent l'un sur l'autre fait oublier le déferlement des éléments - l'épisode se situe juste après la première visite chez le père de Shinichi qui les rembarre violemment), ou encore celui où ils se retrouvent autour d'un piano (Kinuyo entame du Chopin et son interprétation traduit toute ses émotions alors même qu'elle écoute le récit de Shinichi, qui doit partir au front dans une semaine), finissant dans les bras l'un de l'autre, comme se fondant l'un en l'autre… Et puis, et puis (parce qu'on ne va pas y passer la journée), the morceau de bravoure, pour ne pas dire d'anthologie (oui, galvaudons un brin l'expression), ce fameux face-à-face entre un père con comme une rondelle de citron et sa future belle-fille convaincue, virevoltante, convaincante. La gamine est jeune, plutôt timide, sa voix fluette, mais elle va te faire une démonstration de force, la bougresse, une sorte de tsunami féminin qui va tout emporter sur son passage (sauf ce vieux con calé dans son fauteuil comme une momie dans son sarcophage). L'asiatique aime à garder la face et raison garder - elle garde quoi. Là, l'autre se lance dans un auto-plaidoyer de folie (elle a la certitude que Shinichi est l’homme de sa vie et qu’ils doivent se marier ensemble), allant dans toutes les pièces de la maison pour montrer au vieux ce qu'elle est capable de faire (le jardin, la couture...), avant de crier son amour en empoignant les bras de fauteuil comme s'il s'agissait d'une barre de prétoire, avant de fondre en larme à genoux, à bout de force. Elle lâche les chevaux, les pandas, enfin tout, portée par une caméra toujours subliment réglée pour suivre chacun de ses faits et gestes (ce n'est point un plan-séquence absolu mais il y a tout de même de longs moments sans coupe). C'est une scène coup de poing qui tranche dans ce film d'amour apaisé (les moments calmes et tranquilles lors desquels les deux amants se retrouvent) où les émotions, les coups de grisou (la mort du père de Kinuyo, la mort du frère de Kinuyoo - ouais, elle enchaîne) sont tout de même légion. La fin, on la connaît, mais on comprend, après avoir suivi le discours démonstratif de Kinuyo, que ce genre d'histoire d'amour, de fusion, de combat amoureux, a quelque chose d'unique, de brûlant. Un art de la mise en scène (avec cette caméra qui, parfois, subtilement, fait un simple petit panoramique pour capter un geste en fin de plan), du montage, et de la direction d'acteur qui laisse baba. Le Phénix (le huitième film de Kinoshita) est un film incandescent qui laisse prévaloir les plus belles choses pour le reste de sa filmo.

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