Vernon, Florida (1981) de Errol Morris

Envie de passer des vacances dans l'univers de Twin Peaks ? Je ne saurais alors que trop vous conseiller de passer quelques jours à Vernon en Floride. Morris dégotte une poignée de vieux de la vieille de Vernon et les filme sans autre forme de procès. On a, c'est le moins qu'on puisse dire, des gens du cru, qui prennent apparemment un certain plaisir pour ne pas dire un plaisir certain à parler de leurs petites manies, de leur passion voire de leur philosophie (il faut s'accrocher). Le cinéaste film nos bonnes gens à hauteur d'homme sans jamais chercher à prendre une quelconque ascendance sur eux - et c'est tout à son honneur... Après, les gaziers sont assez gratinés et assurent le "spectacle" en toute tranquillité... On fait donc notamment la connaissance d'un chasseur, que dis-je, d'un expert de la chasse à la dinde : le type vit dinde, pense dinde, rêve dinde. Au-dessus de sa porte sont attachées fièrement les pattes des plus grosses dindes qu'il a vaillamment assassinées... Chaque dinde a sa légende, chaque coup de feu fut une jouissance (amis chasseurs, je vous aime. Je vous hais aussi). Parmi ces divers olibrius, il y a un spécialiste de la photo d'étoiles (dommage, définitivement, que son appareil-photo soit naze, parce qu'on tenait là la photo du siècle), un vieux type qui garde dans de pauvres enclos une malheureuse gophère polyphène (j'aurais appelé cela en temps normal une vulgaire tortue de terre mais j’ai décidé de me la péter comme lui) et un opossum au poil pas super frais (ça coûte une blinde un opossum, j'aurais pas cru), un flic qui m'a tout l'air d'un fameux branle-manette en chef et qui a réussi quand même à se faire une fois tirer dessus (je soupçonne le tueur de dinde mais je ne vais pas non plus trop m'avancer sur ce terrain), un vieux couple qui collectionne du sable qui ne cesse de croître dans son bocal (!!! si, si, parfaitement, comme dans la chanson "le désert avance"), un pêcheur qui a tiré le gros lot en sortant de l'eau une mule morte (!!!)... Bref, on finirait presque par se demander de quoi pourrait avoir l'air l'hôpital psychiatrique de Vernon (putain, il doit pas faire bon d'être "normal" dans les parages !!!). Un petit portrait bien sympathique de "l'Amérique au naturel" (ces gens sont sains, attention, dieu d'ailleurs n'est jamais loin... A l'image de ce prêcheur qui fait un discours de deux plombes sur le mot "donc" - ah ouais, on s'emmerde pas une minute dans la bourgade) qui finirait presque par nous faire nous demander pourquoi Trump n'est pas arrivé au pouvoir plus tôt. Du Morris en toute sobriété.