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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
1 mars 2018

Borg McEnroe de Janus Metz Pedersen - 2017

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Malgré les railleries incessantes de Shang concernant ma passion pour le sport, il se trouve que j'aime bien le tennis, que je trouve que c'est le sport le plus rempli de suspense qui soit. Je me réjouissais donc à l'avance de découvrir ce film qui se propose de nous replonger dans la grande époque du tennis, le moment où les joueurs n'étaient pas des machines à gagner mais des êtres humains, en l'occurrence l'année 1980, qui vit s'affronter en duel les deux idoles de la compétition : à ma droite, l'invaincu Björn Borg, l'école suédoise, le joueur de fond de court réputé pour sa froideur et son opacité dans les matchs, sang-froid de serpent et revers de malade ; à ma gauche, John McEnroe, le punk des courts, qui s'énerve dès qu'une balle est signalée faute même si elle est à 3 mètres de la ligne de fond, l'école américaine au sang chaud, celui qui monte au filet systématiquement, jeu inattendu et manipulateur de génie. Ces deux pôles opposés doivent se rencontrer lors de la finale de Wimbledon, qui verra soit l'entrée dans la légende de l'un, soit l'advenue d'une nouvelle génération de tennismen pour l'autre ; un match tendu comme une corde de raquette, une tragédie, un climax, une rencontre de légende qui peut faire passer le sport dans une autre époque. Autant dire que les gusses sont sur les nerfs.

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L'idée du film est géniale : tout concentrer sur un match de tennis, sport à la dramaturgie sans faille, où tout peut basculer en une seconde sur une balle malheureuse, sur un point perdu. On se demande comment un tel film n'a pas été fait avant, tant le tennis est propice au cinéma, tant il y a de potentiel dans un match (Godard a rôdé un moment autour du sujet, il me semble, et Daney en avait fait sa spécialité). Le souci, c'est que Metz Pedersen n'entrevoit qu'à moitié le potentiel de la chose, et ne fait pas confiance à son sujet. Plutôt que de se concentrer sur le fameux match, de prendre le temps de nous montrer les tensions, les revers, les fluctuations de moral des joueurs, leurs techniques, ce qui aurait largement pu faire un film en entier, il préfère s'attarder longuement sur le passé de Borg et McEnroe, montrant comment ils en sont arrivés au jour J, les rapports avec l'entraîneur, les parents, les femmes, etc. Grosse erreur : ce qui s'est passé avant la finale de Wimbledon du 5 juillet 1980 nous est à peu près indifférent, et est lourdement raconté par un cinéaste qui se perd dans son histoire. Certes, on découvre un Borg (le film se concentre surtout sur lui) tourmenté par la gloire, en pleine perte de confiance, harcelé par son entraîneur historique qui exige de lui une totale absence d'affect, pris par une angoisse métaphysique un peu morbide (le gars fait des pompes sur la rampe de son balcon du 70ème étage) ; certes, on voit aussi un McEnroe en enfant gâté, se soûlant dans des fêtes pleines de teupu, obsédé par son "ennemi". Mais c'est comme si le film déportait la tension ailleurs, oubliait l'essentiel : ces quelques heures où les deux champions sont face à face, et la formidable dramaturgie du match.

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Ceci dit, la mise en scène n'est pas complètement nulle, faisant alterner dans un montage plutôt dynamique passé et présent, et rendant compte du fameux match avec un certain sens de la construction (mais trop rapidement). Les acteurs se démènent, chacun dans sa langue et chacun dans son cabotinage, que ce soit Sverrir Gudnason en Borg limite autiste ou Shia LaBeouf un poil survolté dans son personnage cocaïné et capricieux. Le film est relativement soigné dans sa photo, assez honnête dans son souci coûte que coûte d'authenticité. Mais le vrai sujet était ailleurs. 6-2, pour être gentil.

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