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Shangols
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17 mars 2017

Un Homme de trop de Costa-Gavras - 1967

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Je dis ça comme ça, mais je trouve que l'honnête Costa-Gavras n'est pas assez présent dans ce blog. Erreur en partie réparée, donc, avec ce film méconnu et pourtant impeccable. Dès ce deuxième long, Costa lorgne du côté des Américains, et plus particulièrement des artisans capables de vous imposer en deux heures de temps un tourbillon d'aventures, de prises de risques et de personnages forts ; quelque part du côté de John Sturges ou de Robert Aldrich en gros. Il réussit ici un film ébouriffant, plein comme un oeuf, autour d'un groupe d'acteurs parfaits et de sentiments nobles. Rien de bien original : nous sommes en 1943, dans un maquis des Cévennes, dirigé par l'implacable Cazal (Bruno Cremer, toujours magistral). Lors d'une opération de libération de prisonniers politiques, les gusses embarquent un homme de trop (Michel Piccoli, absolument parfait dans ses ambiguïtés, d'une subtilité totale). Dès lors, le maquis est partagé : le gars est-il un espion à la solde des boches, et veut-il à tout prix trahir le groupe de résistants ? Ou est-il ce qu'il affirme, un pacifiste neutre, perdu au milieu de la guerre ?

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Un prétexte tramesque à un film qui privilégie le portrait de groupe d'hommes entre eux. Et Costa a réuni plusieurs générations de comédiens de haut vol, qui donnent à cette assemblée une facture réaliste et attachante à mort : Claude Brasseur en comique de service, Brialy (un chouille moins crédible, trop parisien) en rebelle sans pitié, Jacques Perrin en idéaliste, Charles Vanel en papy-fait-de-la-résistance, Gérard Blain, Michel Creton, Maurice Garrel, Patrick Préjean... Tout le cinéma français classique semble s'être donné rendez-vous ici, et le résultat est impeccable. Costa est très bon dans les scènes de pause, où chacun a son rôle à jouer, chacun ses lignes de dialogues (beaucoup de bons mots, mais très bien écrits, qui paraissent naturels), où on voit concrètement ce que c'était que de prendre le maquis, de fabriquer un explosif, de braquer un village, de tuer un homme. Chaque personnage est attachant, ce qui fait que pendant les scènes d'action, on tremble pour chacun (Sturges a fait ça aussi dans Les 7 Mercenaires). Et les scènes d'action les enfants, attention, c'est quelque chose. Costa a les moyens, et explose littéralement l'écran dans ces séquences-là : un village entièrement détruit par l'aviation, un braquage au montage merveilleusement fluide, une scène d'évasion où, malgré la multitude d'actions parallèles, on suit tout ça avec un sens parfait de l'espace, quelques moments de tension entre personnages filmés, osons le mot, avec génie (la scène où Blain est chargé de descendre Piccoli) ; et enfin, une longue séquence finale qui vous laisse proprement baba. Costa n'a rien à envier à ses modèles américains : voilà un film d'action jamais kitsch, jamais fauché, qui se donne les moyens, artistiques et financiers, et qui vous en met plein les mirettes.

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Mais le gars y ajoute une touche très française qui dépasse justement le genre. Il soigne son contexte, n'oublie pas que les gens qu'il filme ont réellement existé et souffert. Le réalisme de certaines séquences est là pour le rappeler : tuer un homme, c'est pas facile. On songe parfois à Melville dans certaines scènes particulièrement tendues, et notamment dans la plus belle de toutes : un milicien (Pierre Clémenti) a été fait prisonnier lors d'une action. Les maquisards ne peuvent pas le garder, d'autant que le gars est mourant. Il faut l'abattre. La scène qui s'ensuivra, où Perrin massacre littéralement le gars, dans un travail bâclé et sale, est insupportable : les cris de bête de Clémenti, la fureur de Perrin, l'impuissance de ses potes qui essayent de l'en empêcher, le coup de grâce implacable, tout ça est d'une vérité crue, et on sent l'infinie tristesse de Costa à filmer tout ça. Ses personnages ne sont pas des archétypes, ce sont des hommes, de quelque côté de la barrière qu'ils se trouvent, et leur mort est terrible. Le truc se termine sur un pont (les acteurs prennent des risques en plus, des cascades intrépides), et on quittera le personnage ambigu de Piccoli entre deux rives, peut-être le seul à avoir compris que la guerre est une question de point de vue, le seul à être resté en vie, même une vie précaire, et on est ravis. Un film d'acteurs, de personnages, d'Histoire et d'action, un film total et absolument parfait.

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Commentaires
C
Oh. Je suis déçu, Mitch Tranxenner. Mais je sais que tu préfères les films politiques de Costa-Gavras à ceux de Jean-Luc Godard, alors ça va.
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V
"Compartiment tueurs, une énergie inépuisable"<br /> <br /> ... et épuisante.
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C
Tout à fait d'accord, bravo pour ces réflexions ! Une énergie inépuisable (comme dans "Compartiment tueurs" et "Z") et au moins un plan absolument inoubliable (les deux routes parallèles... ou pas). Incroyable et atypique dans le cinéma français de l'époque ! Il me reste à voir ces courts-métrages, comme celui de "A propos de Nice, la suite" dont vous aviez parlé... et il a participé à un film introuvable maintenant, "Contre l'oubli", que j'aimerais bien voir...
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