LIVRE : La Sainte Famille de Florence Seyvos - 2016

Florence Seyvos est toujours aussi discrète et pudique, mais cette fois sa dicrétion et sa pudeur sont pas loin d'être la marque de son effacement complet. La voilà qui fait dans le souvenir d'enfance, avec ce que ça comporte de touches légères, de trois fois rien qui veut dire beaucoup, de blessures mal refermées issues de micro-évènements sans envergure, etc. Le tout pour mettre à jour une dépression, le livre tendant à prouver que celle-ci vient de très loin, du plus profond de notre enfance, et que le battement d'ailes d'un papillon d'il y a 20 ans peut donner un ouragan aujourd'hui. Bon. C'est assez intéressant de suivre ces souvenirs, les rapports de Suzanne avec son frère Thomas, avec Odette la débile, avec Mathilde la cousine sadique, et de voir comment tout ce petit monde se confronte avec celui des adultes, opaque, violent, effrayant. Les plus belles pages sont celles sur le professeur tortionnaire, et sa description en tant que victime d'un système ; on retrouve là la cruauté discrète de Seyvos, cette façon bien à elle de transformer le quotidien en une aventure tout en dressant des portraits psychologiques très fins. On aime aussi ces descriptions de jeu, à cheval sur l'enfance et l'âge adulte, et ce regard presque neutre sur les choses. Mais on est aussi en droit de trouver ce livre trop court, trop en retrait, de trouver qu'il ne prend pas son sujet à bras-le-corps, et qu'à force de louvoyer elle peine à trouver un vrai sujet. C'est tellement ineffable que rien n'est dit, et on referme le livre en ayant encore faim. Dommage : Seyvos semblait être la candidate idéale pour un tel projet, mais il lui faut affronter réellement ses démons pour arriver à quelque chose.