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10 septembre 2016

Pour l'Exemple (King and Country) (1964) de Joseph Losey

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Encore un film assez surprenant et des plus prenants de l'ami Losey. On se retrouve cette fois-ci quasiment dans les conditions d'un huis-clos avec ce soldat (on est en 1917) accusé de désertion : le drame se joue en trois actes de part égale ; il y a tout d'abord le face-à-face entre Tom Courteney - soldat un brin naïf et perdu - et son avocat "commis d'office", le toujours impressionnant Dirk Bogarde tout en moustache et en fougue résolue. Puis vient le procès durant lequel le gars Tom - qui s'est barré du front sans vraiment cherché à se cacher, ne supportant tout simplement plus le bruit du champ de bataille - se repose sur la verve de son avocat. Le jugement tombe, terrible, et viennent ces heures insoutenables avant l'aube.

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Losey soigne aussi bien son scénar - grande force des dialogues qui ne tombent jamais dans la théâtralité à outrance : la partie jouée par Bogarde face aux juges tient en haleine tout du long - que l'écrin de ces trois séquences qui se déroulent sur un tout petit périmètre : il pleut comme vache qui pisse du début à la fin et l spectateur se retrouve totalement immergé dans ce champ de boue et de merdasse qui colle à la peau des soldats. On pense, au départ, aussi naïvement que ce soldat volontaire qui a passé ces trois ans de guerre à voir ses potes mourir à quelques centimètres de lui (l'un d'eux est mort en finissant littéralement déchiqueté sur lui - à tel point qu'on dut lui changer son uniforme : ambiance, ambiance), que sa petite "balade" ne prête pas forcément à conséquence (certes il est parti sans autorisation mais l'on peut aisément comprendre que notre homme après avoir subi ce qu'il a subi se soit senti complétement déboussolé - il avait qui plus est jusque-là toujours fait preuve de loyauté envers son pays) ; on va malheureusement vite se rendre compte que l'enfer de la guerre ne se limite pas au simple front. Notre homme, dès lors qu'il est jugé par ses pairs, est fait comme un rat (à l'image de celui mis à mort de façon sadique par ses camarades) : toute défense, quelque brillante qu'elle soit, ne pourra convaincre cette machine à broyer d'épargner l'un des siens. L'essentiel reste "le moral des troupes" et notre pauvre Tom va se retrouver dans le rôle du bouc-émissaire "pour l'exemple" - un sacrifice au-delà des frontières de la simple empathie, de l'humanité. Losey, en milieu très fermé, sait toujours trouver le petit mouvement de caméra qui fait son effet : il pannote ainsi souvent sur le visage de l'un de ses personnages comme pour tenter de saisir au vol chacune de ses expressions. Le fait est qu'on est pris dans cette œuvre comme dans un étau et qu'on passe les vingt dernières minutes dans le même état de fébrilité que ce soldat mis à mort par les siens (la terrible séquence où ses camarades lui bandent les yeux lors d'un jeu de cache-cache morbide). Encore une belle leçon du cinéaste anglais aussi bien "moralement" que cinématographiquement - avec un Bogarde une nouvelle fois royal.

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