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2 mars 2016

White Epilepsy de Philippe Grandrieux - 2012

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Il est important de se taper à intervalles réguliers un film de Philippe Grandrieux : ça permet de vérifier qu'au milieu du marasme capitaliste qu'est devenu le cinéma dans son grand ensemble, il reste des îlots de résistance, des endroits où le cinéma est encore admiré pour son pouvoir de fascination, d'invention et d'hypnose. White Epilepsy a ce pouvoir, celui de vous laisser bouche bée durant plus d'une heure devant des plans mystérieux, hantés, sans qu'il soit nécessaire de raconter une histoire ou de développer une quelconque progression. Le film raconte plein de trucs, sinon une histoire : c'est une sorte de portrait de deux corps, tentant d'inventer un érotisme 2.0, sans excitation, sans "tentation de beauté".

Philippe Grandrieux White epilepsy 12

On découvre d'abord un gars nu, de dos, dans un cadre hyper serré : l'écran n'utilise qu'une mince bande verticale, qui épouse ce corps debout, tout le reste est plongé dans le noir. Le corps lui-même est noyé dans une profonde obscurité, si bien qu'on n'en distingue qu'une forme, qui fait penser aux tableaux de Bacon : privé de tête, réduit à une simple tâche blanche, à un cul, et enveloppé de sons moites, comme issus d'une jungle la nuit. Dès le départ, la force de ce plan vous chope, et dès lors Grandrieux peut tout se permettre : des plans très longs, quasi-immobiles, où la pensée peut dériver tranquillement. Très vite, un corps féminin vient rejoindre le premier, et on assiste alors à des mouvements très lents, jamais directement sexuels, où on met parfois une minute avant de distinguer qui est qui et où. Ça se déplace, ça se frôle, ça rentre en contact, dans une lenteur totale, à la fois sereinement et comme si on avait affaire là à des fantômes, des zombies. La bande-son évolue aussi, de sons naturalistes vers un travail sur la respiration amplifiée, un souffle profond, angoissant, qui tranche avec la tranquillité de la nuit (l'oiseau solitaire qu'on entend sur la fin du film est magnifique).

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Si ça fonctionne sur une espèce de sexualité sans affect, ça fonctionne aussi sur l'inquiétude, un sentiment très prenant qui monte du film sans qu'on sache exactement pourquoi. Tout à coup, presque à la fin, l'écran est envahi par un visage de femme en gros plan, à la bouche ensanglanté, tellement surexposé que l'image en devient abstraite, purement formelle. Peut-être un peu trop explicite dans ce film très abstrait, mais l'idée est forte, et la sensation prenante : la moiteur des corps n'est jamais très loin du danger, du sang, de la violence. Grandrieux travaille tellement bien l'envoûtement de ses images nocturnes, insaisissables, lentes, que ce plan à l'opposé saute aux yeux. On replonge alors dans l'obscurité pour une dernière "scène", mais ce coup de fouet vient de nous faire sentir à quel point le gars avait réussi à nous hypnotiser, à nous prendre dans le filet de son cinéma plein de fantômes. On pense entre autres à Inland Empire, qui travaillait sur la même sensation ; mais Grandrieux assume mieux que Lynch l'aspect "installation" de son film, et offre avec White Epilespy une plongée en obscurité parfaitement gérée. Top.

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